Film colombo-franco-hollando-allemand de Fabián Hernández (2022), avec Dilan Felipe Ramirez Espitia, Juanita Carrillo Orti, Diego Alexander Mayorga, Jesús Alberto Cuer, Jhonathan Steven Rodriguez… 1h22. Sortie le 15 mars 2023.
Dilan Felipe Ramirez Espitia
La délinquance juvénile constitue une source d’inspiration inépuisable pour le cinéma qui en a fait l’un de ses sujets de prédilection, de Jean Vigo (Zéro de conduite) à François Truffaut (Les quatre cents coups), en passant par Luis Buñuel (Los Olvidados) ou Alan Clarke (Scum). Avec souvent cette idée corrélative que l’âge des possibles est aussi celui qui expose à tous les dangers, notamment quand la cellule familiale se trouve réduite à sa plus simple expression sinon à ses manques. Les sociétés les plus violentes sont aussi celles qui exposent sans états d’âme leurs enfants à sortir du droit chemin, en ignorant les repères les plus élémentaires. C’est même parfois une question de survie pure et simple. L’univers que décrit le premier long métrage du réalisateur colombien Fabián Hernández est régi par une sorte de variante de la loi de la jungle où tous les coups semblent permis pour échapper à la misère endémique. L’action se situe dans l’environnement urbain de Bogotá et s’attache à la personnalité d’un jeune homme de main plongé dans un monde d’ultra-violence où la survie est conditionnée à l’affirmation d’une virilité inspirée des stéréotypes les plus caricaturaux en usage. Hébergé dans un foyer, Carlos se met en tête de voir sa mère et sa petite sœur à l’occasion de Noël. Mais il apparaît pieds et poings liés à une bande de voyous qui exercent une pression terrible sur sa vie et en ont détruit toute innocence afin de servir leurs intérêts, quitte à le transformer en tueur.
Dilan Felipe Ramirez Espitia
Un varón entérine l’image de la Colombie en proie aux narco-trafiquants où tous les coups sont permis et où une certaine fraction de la jeunesse pousse comme des mauvaises herbes et ne possède qu’une espérance de vie assez limitée. C’est dans ce contexte qu’il a lui-même vécu de l’intérieur avant de s’en éloigner par instinct de survie que Fabián Hernández situe cette chronique a priori sans issue qui propose une vision particulièrement sombre de ce pays, mais choisit pour personnage principal un jeune homme précipité malgré lui dans l’âge adulte. Un adolescent au look provoquant qui a gardé au plus profond de lui une minuscule lueur d’innocence de nature à lui permettre de retrouver ses automatismes et se comporter en fils prodigue quand il retrouve sa mère et en frère protecteur vis-à-vis de sa petite sœur. C’est tout l’intérêt de ce film d’aller à l’encontre d’une certaine fatalité et de croire en une issue possible dans cette jungle urbaine décrite volontiers comme un enfer où la vie n’a qu’une valeur très relative et où ce sont les innocents que les clans mafieux sacrifient en priorité. Le réalisateur dresse à cette occasion le portrait d’un enfant trop vite monté en graine qui prend conscience du piège dans lequel il est tombé et va pour la première fois de sa brève existence réaliser que son libre arbitre peut conjurer son destin et lui rendre sa maîtrise, alors même qu'il est perturbé par une sexualité qui luii échappe. Un constat impressionnant qui repose pour une bonne part sur la personnalité de son interprète principal, le surprenant Dilan Felipe Ramirez Espitia dont la caméra plutôt fixe qu’en mouvement réussit à appréhender les tourments intimes derrière sa mine impénétrable et son look étudié.
Jean-Philippe Guerand
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