Film belgo-costariciano-français de Valentina Maurel (2022), avec Daniela Marín Navarro, Reinaldo Amien Gutiérrez, Vivian Rodriguez Barquero, Adriano Castro Garcia, José Pablo Segreda Johanning, Mayté Ortega Floris, Jeniffer Fernández… 1h43. Sortie le 8 mars 2023.
Daniela Marín Navarro et Reinaldo Amien Gutiérrez
Au moment où ses parents ont décidé de se séparer, Eva a pris le parti de son père, un artiste bohème plutôt paumé avec lequel elle s’est installée. La cohabitation entre l’adolescente et cet adulte autodestructeur et passablement irresponsable s’avère toutefois compliquée, tant les préoccupations de l’une et de l’autre sont divergentes. Avec en guise de corollaire cet amour profond mais orageux qui les lie et que le père a tant de mal à gérer, tant sa propre existence semble naufragée par son échec conjugal. La réalisatrice costaricienne Valentina Maurel use en outre d’un artifice qui pourra sembler désuet aux plus cyniques : la poésie. Cet art délicat qui consiste à mettre des mots sur des sentiments afin de les transcender. La mise en scène joue avec une infinie délicatesse des rapports ambigus de cet homme à la dérive qui cède à la violence sous le coup du désespoir avec cette adolescente qui devrait se contenter d’être sa fille avant d’être regardée comme une femme, avec tous les tabous que cela implique au sein du cercle familial, aussi fracturé puisse-t-il être. Des rapports troubles qui composent le portrait magnifique de cet âge dit ingrat où les enfants ne le sont plus tout à fait, sans être devenus pour autant des adultes à part entière. Un statut flou qui encourage les maladresses autant que les malentendus, avec tous les interdits que cela implique aux yeux de la société.
C’est parce que les deux personnages principaux de Tengo sueños eléctricos sont mal à l’aise que s’instaure peu à peu entre eux un malaise indicible. Avec en guise d’ouverture vers un avenir apaisé ce sourire complice que la fille esquisse à l’adresse de son père à la dernière image. Comme pour nous rassurer sur les sentiments qui continuent à les unir, au-delà d’un malentendu regrettable. Valentina Maurel excelle à suggérer la confusion des sentiments en exaltant la folle entreprise de consolation réciproque dans laquelle se lancent le père et sa fille, sans toujours respecter les règles morales en usage. La réalisatrice se garde bien quant à elle de juger ses personnages. C’est aux spectateurs de décrypter leurs relations complexes au-delà du bien et du mal, dans ce no man’s land si tortueux qui sépare le consentement de l’abus et se trouve aujourd’hui en plein cœur de l’une des préoccupations les plus fondamentales d’une société contemporaine soucieuse de rattraper le temps perdu. Ce film réussit la prouesse d’éviter la tentation du dogmatisme ou du féminisme, en accordant à ses protagonistes ce précieux libre-arbitre qui fait si souvent défaut aux films à thèse. Il se contente de confronter deux êtres humains déchirés entre leurs pulsions les plus intimes, des règles sociales en évolution constante et le poids du regard de leur entourage. Avec comme fil rouge une exaltation de l’amour filial dans un paysage familial après la bataille.
Jean-Philippe Guerand
Daniela Marín Navarro et Reinaldo Amien Gutiérrez
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