Film français de Jennifer Devoldère (2022), avec Karin Viard, Melvin Boomer, Steve Tientcheu, Tracy Gotoas, Théodore Levisse, Bruce Dombolo, Nadia Roz… 1h45. Sortie le 15 mars 2023.
Melvin Boomer et Karin Viard
Les cinéphiles attentifs le savent depuis Première année (2018) de Thomas Lilti, le concours d’entrée en médecine a ceci de particulier que son rang donne droit à une variétés de choix dont ne dispose plus les moins bien classés. C’est parce que ses résultats insuffisants l’ont placé dans cette situation inconfortable qu’il a cachée à sa famille que Léopold a décidé d’emprunter une passerelle administrative mise à sa disposition : accepter une affectation dans une maternité pendant un an afin de réintégrer ensuite le cursus traditionnel qu’il s’était fixé pour devenir médecin. Affecté comme stagiaire auprès d’une sage-femme expérimentée en milieu hospitalier, le jeune homme va découvrir que sa vocation n’était peut-être pas celle qu’il escomptait. Une pratique aussi éprouvante qu’enrichissante dans le cadre d’une spécialité pratiquée essentiellement par des femmes où il va devoir faire ses preuves, en affrontant des situations humaines à haute tension émotionnelle… Miroir d’une société contemporaine qui a mal à son école comme à son système de santé, le cinéma y trouve une inspiration intarissable qui passe autant par le documentaire que par la fiction. Sage-homme s’appuie sur des faits authentiques pour s’interroger sur la notion même de vocation, en s’attachant pour une fois à un univers majoritairement féminin. Une caractéristique atypique que souligne d’ailleurs à dessein le titre du film.
Melvin Boomer (à droite)
Réalisatrice de deux films interprétés par Mélanie Laurent, Jusqu’à toi (2009) et Et soudain tout le monde me manque (2011), Jennifer Devoldère prend un nouveau départ en s’attaquant cette fois à un sujet de société propice à tous les fantasmes. Elle en profite pour dresser un état des lieux de notre système de santé que son souci de réalisme lui interdisait de taire, y compris dans le cadre d’un film à vocation populaire. Pour avoir découvert ce film dans une salle de projection où avaient été conviées des sages-femmes, les rires fusaient spontanément à des moments qui témoignaient de la part de ce public initié d’une familiarité intime avec ce métier en particulier et le milieu hospitalier dans son ensemble. C’est dire combien cette chronique contemporaine qui s’interroge sur le poids de la vocation dans un contexte pour le moins tourmenté s’appuie d’abord sur une justesse d’observation validée. Avec un double poste d’observation en la personne d’un jeune homme au seuil de sa vie active dont la routine n’a pas encore douché les illusions et une professionnelle en fin de carrière qui n’a rien perdu de sa capacité à s’émerveiller lorsque l’enfant paraît, mais s’avère rongée par une routine administrative coupée de la réalité objective. Sage-homme est une étude de mœurs solidement ancrée dans le réel qui repose pour une bonne part sur l’implication de ses interprètes. À commencer par le très prometteur Melvin Boomer, d’ores et déjà en bonne place dans la course au meilleur espoir masculin 2024, et Karin Viard, toujours juste dans ce type de rôle sur lequel elle a bâti sa notoriété. Au service ici d’une cause universelle.
Jean-Philippe Guerand
Commentaires
Enregistrer un commentaire