Film franco-belgo-algérien de Mounia Meddour (2022), avec Lyna Khoudri, Hilda Amira Douaouda, Rachida Brakni, Meriem Medjkane, Nadia Kacir, Zahra Manel Doumandji, Sarah Guendouz… 1h38. Sortie le 15 mars 2023.
Rachida Brakni
Dans l’Algérie d’aujourd’hui, pour exaucer son rêve de danseuse, Houria travaille en tant que femme de ménage le jour et s’adonne aux paris clandestins la nuit. Jusqu’au moment où elle est victime d’une agression sauvage qui la rend mutique. Dès lors, avec le soutien de sa mère (qu’incarne l’excellente Rachida Brakni), elle va consacrer tous ses efforts à se reconstruire en exorcisant cette tragédie parmi une communauté de femmes en compagnie desquelles elle va renouer avec ses espoirs brisés et irradier son enthousiasme. Dans son premier long métrage, Papicha, Mounia Meddour exorcisait le traumatisme durable de la guerre civile algérienne “à chaud” sur une génération traumatisée, sans véritable espoir d’apaisement. Houria prolonge cette réflexion en montrant à quel point les blessures n’ont pas cicatrisé et comment les fauteurs de trouble amnistiés par le régime continuent à sévir en toute impunité dans une société dont les plaies n’ont pas cicatrisé, sous la bienveillance coupable des autorités. Un propos qui passe dans Houria par une thérapie de groupe singulière où les corps doivent exulter pour apaiser les esprits. C’est comme si, avec ce deuxième film, la réalisatrice se lâchait et mettait tout son amour du cinéma au service d’un propos délibérément abrasif quant à la complaisance de son pays à l’égard de ceux qui l’ont fait basculer si longtemps dans le chaos et la terreur. Bilan amer d’un statu quo qui a transformé l’aigreur en rancœur, sous couvert d’appliquer une illusoire paix des braves, et que le film interprète comme la conséquence d’un accord tacite entre le pouvoir et ceux qui ont tout fait pour le déstabiliser dans un bain de sang demeuré impuni.
Lyna Khoudri
Houria est un film aux multiples degrés de lecture qui prend pour personnage principal une jeune femme moderne dont le rêve vient se fracasser contre un passé ravageur. Un rôle endossé à bras-le-corps (c’est vraiment le cas de le dire) par Lyna Khoudri, l’une des comédiennes les plus douées de sa génération qui ne cesse de témoigner par ses choix d’une conscience politique aiguë depuis le film qui l’a révélé et lui a valu un prix d’interprétation à Venise en 2017, Les bienheureux de Sofia Djama, avant le César du meilleur espoir féminin obtenu pour Papicha. Sa performance est d’autant plus remarquable qu’elle s’exprime par le corps et le visage bien davantage que par la voix. Mounia Meddour apporte en outre un soin particulier à l’aspect esthétique de cette chronique d’une renaissance qu’on peut également interpréter comme une exaltation de la féminité davantage que du féminisme, à travers ce groupe de parole qui retrouve goût à la vie à travers sa sororité. Dès lors, dans sa deuxième partie, ce film adopte un langage alternatif qui repose sur l’association de la danse et de la langue des signes. Avec, comme dans Papicha, un tempérament qui incite la réalisatrice à rester optimiste malgré tout, sans verser pour autant dans certaines facilités du Feel Good Movie, alors même que Houria est un film dispensateur de réconfort voire de bonheur dans son fond comme dans sa forme.
Jean-Philippe Guerand
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