Film franco-belge d’Emmanuelle Nicot (2022), avec Zelda Samson, Alexis Manenti, Fanta Guirassy, Marie Denarnaud, Jean-Louis Coulloc’h, Sandrine Blancke, Maïa Sandoz, Roman Coustère Hachez, Babetida Sadjo, Charlie Drache, Gilles David… 1h20. Sortie le 22 mars 2023.
Zelda Samson
Dalva est une femme fatale de 12 ans que s’habille, se coiffe et se maquille comme une adulte. Jusqu’au moment où elle est retirée à son père qui est accusé d’avoir entretenu avec elle des relations impropres sinon malsaines sur lesquelles pèse le tabou écrasant de l’inceste. Une situation dont la gamine ne perçoit pas vraiment la gravité lorsqu’elle est mise à l’abri dans un foyer afin de sauvegarder son intégrité et la ramener à une normalité qui lui échappe. Avec ce premier film, Emmanuelle Nicot traite d’un sujet particulièrement grave : l’emprise toxique d’un adulte sur une enfant apprêtée comme une poupée et traitée comme un objet sexuel. C’est avec une infinie délicatesse qu’elle aborde cette problématique et s’attache à la dépendance à son bourreau d’une victime à laquelle son jeune âge interdit de juger à sa juste mesure de la gravité de sa situation. L’habileté de Dalva est de s’attacher en quelque sorte à la désaccoutumance de cette jeune fille qui ne se perçoit pas du tout comme une proie facile et assume une schizophrénie où son innocence naturelle se révèle en opposition frontale avec son apparence dérangeante de petite femme. La réalisatrice réussit la prouesse d’éviter de se laisser entraîner par ce sujet scabreux dans une ambiance délétère. Elle s’attache au retour à la normalité d’une enfant pervertie qui en est arrivée à ne plus distinguer le bien du mal, au point de se comporter vis-à-vis de son père comme une junkie en manque dont l’addiction doit être traitée à ses risques et périls.
Zelda Samson et Alexis Manenti
Dalva est la chronique d’un affranchissement, celui d’une victime trop jeune pour se percevoir comme esclavagisée qui va devoir accomplir un effort considérable sur elle-même pour prendre conscience de l’inanité de sa situation, au moment même où elle aborde la puberté sans l’innocence que les autres filles de son âge. Avec le risque de nourrir une vision pervertie de l’amour. La puissance du film réside dans son rapport subtil au langage et à la suggestion. Emmanuelle Nicot ne se montre jamais dupe de son sujet et se garde bien de sombrer dans les pièges qu’il implique, à commencer par le voyeurisme. Elle se concentre pour cela sur sa jeune protagoniste dont elle traque l’évolution et le lent retour à une certaine normalité dans un foyer décrit comme un cocon en proie à des luttes intestines. C’est parce qu’elle ne se perçoit pas comme une victime à proprement parler, faute de posséder les bases élémentaires de la morale traditionnelle, qu’elle protège instinctivement et naïvement celui qu’on accuse d’avoir abusé d’elle. L’intégrité de ce film au sujet si délicat repose pour une bonne part sur la personnalité de son interprète principale qui exprime avec une maturité sidérante cette reconstruction sur fond de déni qui caractérise les victimes sous emprise. Il convient de saluer ici la composition impressionnante de Zelda Samson dans un rôle d’une complexité extrême qui témoigne de la direction d’acteurs exceptionnelle d’une réalisatrice rompue au casting qui accomplit là des débuts fracassants.
Jean-Philippe Guerand
Zelda Samson
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