Film norvégo-belge de Kajsa Næss (2022), avec (voix) Jan Gunnar Røise, Kåre Conradi, Anne Marit Jacobsen, John F. Brungot, Ingar Helge Gimle, Thorbjørn Harr, Christian Skolmen, Silje Torp… 1h31. Sortie le 8 février 2023.
Le cinéma d’animation ouvre d’aujourd’hui des possibilités illimitées aux créateurs qui peuvent inventer les histoires les plus folles sans avoir pour cela besoin de remuer ciel et terre. De l’imagination, il en fallait une bonne dose pour évoquer un épisode oublié de la conquête du Pôle Nord en 1926 par l’explorateur norvégien Roald Amundsen à bord du dirigeable Norge conçu par l’ingénieur aéronautique italien Umberto Nobile qui l’accompagne avec sa chienne Titina, rescapée des rues de Rome. C’est au canidé observateur que revient le privilège de raconter cette chronique d’une rivalité dérisoire entre deux hommes confrontés à des espaces infinis mais… désespérément vides. Le graphisme s’impose par son élégance associée à un tempo plutôt lent qui prend à contrepied la plupart des films d’animation d’aujourd’hui. Adepte convaincue de la 2D, Kajsa Næss cite d’ailleurs parmi ses références Jacques Tati et Wes Anderson. Et le fait est que Titina nourrit d’évidentes connivences avec L’illusionniste (2010) de Sylvain Chomet, qui adaptait un scénario inédit de l’immortel Monsieur Hulot sur un registre voisin de la fameuse ligne claire, et L’île aux chiens (2018) à travers la personnalité du petit terrier qui en est le témoin privilégié.
Titina porte un regard singulier sur une aventure humaine et scientifique évoquée sur un tout autre registre par Georges Méliès dans La conquête du Pôle (1912), à une époque où une telle expédition relevait encore de la science-fiction pure et simple. Et si le film s’autorise quelques licences poétiques, l’histoire sur laquelle il s’appuie est quant à elle rigoureusement authentique, à commencer par la polémique qui a opposé les deux explorateurs et paraît a posteriori bien dérisoire en regard du défi que représentait cette aventure humaine, surtout considérée du pont de vue d’un chien de compagnie que rien ne prédestinait à s’aventurer dans une zone de la planète bien peu compatible avec sa frêle morphologie de terrier. La réussite du film est d’évoquer une histoire oubliée qui a défrayé la chronique dans les années 20 et a été utilisée par Mussolini à des fins politique, alors même que Nobile nourrissait plutôt des idées communistes. La représentation du Duce à l’écran s’avère d’ailleurs irrésistible de mimétisme, tant elle croisant sa gestuelle ave la représentation qu’en a immortalisée Charlie Chaplin dans Le dictateur (1940). C’est tout l’intérêt de cette évocation historique de s’attacher à une histoire oubliée d’un point de vue strictement humain en montrant qu’il n’y a pas de grand homme pour son chien et que la vanité est généralement mauvaise conseillère. Titina est en outre le premier long métrage d’une réalisatrice scandinave qui peut se targuer aujourd’hui d’un quart de siècle d’expérience. C’est le lot de l’animation.
Jean-Philippe Guerand
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