Film français de Julie Lerat-Gersant (2022), avec Pili Groyne, Romane Bohringer, Victoire du Bois, Lucie Charles-Alfred, Suzanne Roy-Lerat, Bilel Chegrani, Céline Sallette… 1h30. Sortie le 22 février 2023.
Pili Groyne
Enceinte à l’âge de 16 ans, Camille est placée dans un centre maternel par décision de justice. Séparée de sa mère dont l’influence est jugée comme toxique, elle noue des relations avec une jeune mère irresponsable et entretient des relations pour le moins houleuses avec l’autorité de tutelle… Pour son premier long métrage, Julie Lerat-Gersant a choisi de s’attaquer à un sujet de société qui aurait sans doute donné lieu naguère à un mélo pour traiter du poids de la maternité, en s’appuyant sur plusieurs cas. Ce film impressionniste ne succombe toutefois jamais à la tentation de dresser une sorte de catalogue de diverses variations sur le même thème et préfère s’en remettre à des interprètes très impliquées dans leurs rôles à haute tension. Des femmes solidaires qui ont quelque mal à trouver leur place dans ce monde et sont confrontées pour les plus jeunes à une adolescence qui a fait d’elles des filles rebelles avant de devenir des mères dépassées par des responsabilités qu’elles n’ont pas toujours choisies. Le scénario démultiplie les situations pour esquisser un portrait de groupe à la fois attachant et déconcertant par sa façon radicale de confronter la maternité à la maturité. Vaste ambition mise ici au service d’un portrait de groupe saisissant qui s’inscrit dans une longue tradition du cinéma intimiste français, longtemps déclinée au masculin.
Pili Groyne et Romane Bohringer
Petites ne dérape jamais dans le pathos et le doit pour l’essentiel à la personnalité de ses interprètes en tête desquels Pili Groyne et Lucie Charles-Alfred qui excellent sur un registre délicat, puisque leur condition de gamines s’oppose radicalement à des responsabilités qui les dépassent au point parfois de les nier. Comme le dit elle-même la réalisatrice, Camille est « une enfant qui attend un enfant » et n’a aucune envie de sacrifier l’insouciance de sa jeunesse à cet intrus qui menace d’hypothéquer sn avenir. Avec en arrière-plan sa propre mère (l’excellente Victoire du Bois) qui est comme sa propre projection à quelques années de distance par le comportement puéril qu’elle affiche derrière sa tendresse maladroite. Le film a l’insigne délicatesse de ne jamais accabler ses protagonistes et d’éviter la tentation du misérabilisme ou même du naturalisme critique. Face à ces êtres en mal de repères, le rôle ingrat de l’éducatrice est interprété par une Romane Bohringer dont on se souvient qu’elle a elle-même pratiqué ces emplois à ses débuts, ce qui confère à son personnage un indéniable surcroît d’authenticité. Une expérience que met à profit la réalisatrice pour imposer son personnage en seulement quelques plans. La mise en scène immersive renforce cette impression en renvoyant à trois cinéastes anglo-saxons dont se réclame Julie Lerat-Gersant : John Cassavetes, Ken Loach et Andrea Arnold. La filiation de son film avec Un enfant attend (1963), Ladybird (1994) et Fish Tank (2009) apparaît aussi légitime que flatteuse, en perpétuant une fatalité frappée du sceau de la malédiction.
Jean-Philippe Guerand
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