Film irlando-hispano-français de Neil Jordan (2022), avec Liam Neeson, Diane Kruger, Jessica Lange, Adewale Akinnuoye-Agbaje, Colm Meaney, Daniela Melchior, Alan Cumming, Danny Huston, Seana Kerslake, François Arnaud, Ian Hart, Julius Cotter… 1h49. Sortie le 15 février 2023.
Liam Neeson
Philip Marlowe est une authentique icône du polar qu’ont essentiellement immortalisée à l'écran deux interprètes de légende : Humphrey Bogart, puis Robert Mitchum. La particularité du film que lui consacre aujourd’hui l’aguerri Neil Jordan est de ne pas s’inspirer d’un des romans dont il est le héros, mais plutôt de partir du personnage pour lui assigner une enquête dans l’univers des studios hollywoodiens, en s’appuyant sur l’œuvre d’un autre écrivain, contemporain celui-là, John Banville, “La blonde aux yeux noirs”, adapté par un maître en la matière, William Monahan, oscarisé en 2007 pour le script des Infiltrés de Martin Scorsese. Un habile stratagème qui permet de convoquer en prime une imagerie familière des cinéphiles les plus nostalgiques. Cette production européenne s’est assurée pour cela la contribution d’une équipe artistique hors-pair qui reconstitue le Los Angeles des années 40 avec un soin de tous les plans, du chef opérateur d’Intacto, Xavi Giménez, au décorateur John Beard et à la costumière Betsy Heimann, en passant par le compositeur David Holmes. Elle s’est offert en bonus la présence de Diane Kruger, à la beauté intemporelle de femme fatale, et d’une actrice devenue un mythe qui se fit connaître il y a tout juste quarante ans en immortalisant une comédienne sacrifiée sur l’autel de la gloire dans Frances : Jessica Lange, laquelle obtint pour ce rôle de composition sa première nomination à l’Oscar de la meilleure actrice, l’année même où elle décrocha la statuette en tant que meilleur second rôle féminin pour Tootsie.
Diane Kruger
Marlowe est un régal pour les yeux autant que pour l’esprit. Sans doute influencé par trop de rôles virils dans ces films d’action dont il est l’un des héros les plus populaires, Liam Neeson campe le rôle-titre avec une économie d’effets qui sied au caractère ombrageux de son personnage, le quatrième que lui confie son compatriote irlandais Neil Jordan, avec un sommet à ce jour, Michael Collins (1996) qui a valu à l’un le Lion d’or à Venise et à l’autre la Coupe Volpi. L’action se déroule en 1939 à Los Angeles entre le monde du cinéma et le cercle le plus huppé de la ville. Une recréation davantage qu’une reconstitution à proprement parler, puisque c’est essentiellement Barcelone qui a servi de cadre à cet exercice de style à l’usage des initiés dont l’esthétique se réfère davantage à l’image qu’en ont perpétué les plus beaux fleurons du film noir qu’à la réalité topographique de l’époque. Une mise en perspective de nature à ravir les cinéphiles, l’intrigue s’avérant filandreuse à souhait, comme le veut la tradition. L’essentiel n’est dès lors pas d’essayer de comprendre, mais plutôt de se laisser embarquer dans un univers aussi ténébreux que photogénique où chaque vérité en dissimule bien d’autres. C’est la loi du genre et le secret de sa magie.
Jean-Philippe Guerand
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