Yin Ru Chen Yan Film chinois de Li Ruijun (2022), avec Wu Renlin, Hai-Qing, Yang Guangrui, Zhao Dengping, Wang Cuilan, Zeng Jiangui, Wu Yunzhi, Ma Zhanhong, Xu Caixia… 2h13. Sortie le 8 février 2023.
Wu Renlin et Hai-Qing
Le cinéma d’auteur chinois connaît une traversée du désert impitoyable due pour une bonne part à une censure qui n’a fait que s’accroître. Il fut un temps où l’État exerçait son pouvoir en empêchant la sortie de certains films, mais autorisait les tournages assujettis dès lors à la pire des sanctions, économique celle-là, qui ne liait leur salut qu’à une hypothétique sélection dans des festivals internationaux et à une exploitation consécutive à l’étranger. Cette époque semble bel et bien révolue. Le retour des hirondelles n’annonce pas précisément le printemps du cinéma chinois, malgré sa présentation en compétition à la Berlinale 2022. D’abord annoncé sur quelques écrans de son pays le 25 février de l’an dernier, le film n’a pu réellement sortir que le 8 juillet suivant après une rectification politiquement plus correcte de sa scène finale, mais a remporté un succès spectaculaire en engrangeant cinquante fois son coût en deux mois d’exploitation… au terme desquels il a purement et simplement été retiré de l'affiche et interdit, le 26 septembre. Le tort du réalisateur bientôt quadragénaire Li Ruijun a sans doute consisté à transgresser une déclaration officielle du Parti communiste chinois décrétant officiellement en 2021 « la fin de la pauvreté absolue ». Reste que la misère des paysans contraints d'accomplir les travaux des champs avec des engins et des outils d’un autre âge est loin d'avoir été endiguée par l'État chinois souverain qui préfère pousser à l’exode les forces vives de son agriculture plutôt que leur assurer simplement de quoi vivre de leur labeur, comme le commanderait la raison la plus élémentaire.
Wu Renlin et Hai-Qing
Accompagné en France par le distributeur historique de Zhang Yimou et Chen Kaige, ARP Sélection, Le retour des hirondelles s’attache à un couple d’agriculteurs qu’on croirait surgi d’un tableau de François Millet. Un homme et une femme auxquels le destin n’a pas laissé la moindre initiative. Unis par un mariage arrangé qui est parvenu à les rendre heureux, ces taiseux s’épuisent à travailler sans relâche leur lopin de terre avec des outils et des machines d’un autre âge, davantage pour survivre que pour vivre décemment. Ce sont ces travaux et ces jours comme figés dans l’espace et dans le temps que filme avec attention Li Ruijun, sur la terre même où il a vu le jour, dans la province du Gansu que ses habitants ont peu à peu délaissée dans l’espoir de trouver une vie meilleure dans la jungle des villes. Il émane de ce film chinois naturaliste mais jamais misérabiliste quelque chose du fameux Farrebique de Georges Rouquier qui a immortalisé la paysannerie française de l’immédiat Après-Guerre, mais aussi de son pendant Biquefarre tourné il y a tout juste quarante ans. Soucieux de coller au plus près à la réalité dont il a été témoin, le réalisateur a recruté son oncle pour le rôle principal et construit lui-même la masure des protagonistes avec le concours de ses proches. D’où la sensation vertigineuse d’hyperréalisme qui se dégage de cette chronique nihiliste de la misère ordinaire dont les personnages n’ont pas besoin de parler beaucoup pour nous faire compatir à leur sort funeste qui cadre assez mal avec les déclarations victorieuses du Parti Communiste chinois.
Jean-Philippe Guerand
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