Film français de David Depesseville (2022), avec Mirko Gianinni, Jehnny Beth, Bastien Bouillon, Théo Costa-Marini, Lorine Delin, Lisa Heredia, Paul Blain, Nathaël Bertrand… 1h44. Sortie le 8 février 2023.
Mirko Gianinni
Il y a seulement un siècle, les enfants abandonnés étaient légion et faisaient pleurer Margot. De nos jours, il en faut bien plus pour émouvoir nos cœurs asséchés par une réalité qui dépasse trop souvent la fiction. Il convient de savoir gré à David Depesseville de s’attacher dans son premier long métrage à l’un de ces gamins confiés à une famille d’accueil, avec pour cahier des charges de lui fournir le gîte, le couvert, et éventuellement un minimum de tendresse. Loin de succomber à la tentation du mélodrame, perceptible il y a peu dans un film sur le même sujet, traité sur un registre radicalement différent, La vraie famille de Fabien Gorgeart, le réalisateur œuvre dans le naturalisme le plus radical et choisit à dessein un oiseau déplumé comme Maurice Pialat dans L’enfance nue (1968) ou Ken Loach dans Kes (1969). Un garçon en manque d’amour qui crie au secours pour se faire remarquer. L’action se déroule dans le Morvan où les enfants dans cette situation ont la particularité d’être particulièrement nombreux. Le couple qui a recueilli Samuel tire en outre une partie non négligeable de ses revenus de son statut de famille d’accueil mais a appris à investir au minimum sur le plan sentimental. Dès lors, elle fournit essentiellement le gîte et le couvert à ces gamins trop souvent livrés à eux-mêmes à un âge où ils auraient besoin plus que jamais d’amour et d’un cadre.
Mirko Gianinni et Lorine Delin
Astrakan tire son titre de ces agneaux tués dans le ventre même de leur mère pour en extraire une laine noire qui servait naguère à confectionner des manteaux, des manchons et des toques. Comme ces animaux au destin funeste, Samuel a compris qu’il était lui aussi un être sacrifié qui ne devrait sa survie qu’à lui-même. Un agneau de Dieu humain en quelque sorte. Un prétexte pour David Depesseville, ex-assistant de Sophie Letourneur, qui signe une chronique d’apprentissage parée par son décor champêtre d’une véritable cape d’intemporalité, avec ses personnages tout d’un bloc aux réflexes parfois primaires. À l’instar de cette effrontée qui jette littéralement son dévolu sur lui, mais le laissera tomber sans états d'âme quand elle aura trouvé un petit ami plus entreprenant. La France que montre ce premier long métrage attachant est un pays où le temps semble s’être arrêté, où la pratique du catholicisme est encore très répandue et où les enfants regardent d’un œil distrait un film érotique interprété par Brigitte Lahaie, comme s’il s’agissait d’un simple feuilleton à l’eau-de-rose dont ils interpellent familièrement l'héroïne… Brigitte, comme s'il s'agissait d'une copine peu farouche. Un effet qu’accuse esthétiquement l’usage du seize millimètres dont le grain renvoie à certains films des années 60 et 70. Difficile de ne pas mentionner enfin la justesse d’un casting qui associe le couple ordinaire formé par Jenny Beth et Bastien Bouillon à une révélation, Mirko Giannini, dans le rôle pourtant ingrat de cet innocent considéré comme un fardeau par sa famille nourricière.
Jean-Philippe Guerand
Mirko Gianinni et Théo Costa-Marini
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