Film français d‘Olivier Peyon (2022), avec Guillaume de Tonquédec, Victor Belmondo, Guilaine Londez, Jérémy Gillet, Julien de Saint-Jean, Pierre-Alain Chapuis, Cyril Couton, Marilou Gallais… 1h45. Sortie le 22 février 2023.
Julien de Saint-Jean et Jérémy Gillet
Un écrivain de renom qui a coupé les ponts avec son passé accepte d’être l’invité d’honneur d’un salon du livre organisé dans la ville de province d’où il est originaire. Un retour aux sources d’autant plus douloureux qu’il est lié à ses premières amours clandestines avec un camarade de classe. Après plusieurs films plutôt intéressants, Olivier Peyon a trouvé dans le roman de Philippe Besson matière à s’impliquer comme jamais dans l’histoire d’amour qu’il raconte avec une pudeur extrême. Il offre à Guillaume de Tonquédec un contre-emploi radical en rat des champs devenu un rat des villes qui méprise le milieu dans lequel il a grandi et n’attire pas vraiment la compassion. Jusqu’au moment où sa carapace se brise au contact de ses souvenirs et où perce cette humanité que l’acteur exprime avec une grande humilité, en endurant le risque suprême : celui d’apparaître franchement antipathique, avant de fendre l’armure et d’apparaître dans cette humanité qu’il a enfouie trop longtemps sous sa stature artificielle de commandeur des lettres bouffi par sa propre gloire. Un rôle plutôt ingrat dont le comédien se tire avec une réelle grâce mais sans aucune complaisance, lorsque l’adolescent romantique qu’il a été reprend l’ascendant sur l’homme public vaniteux qu’il s’est laissé à devenir. Comme pour se protéger des démons de sa mémoire.
Victor Belmondo et Guillaume de Tonquédec
Arrête avec tes mensonges confronte un homme à ses souvenirs dans le cadre d’une province française longtemps rétrograde sur le plan des mœurs où l’homosexualité s’est longtemps vécue dans la clandestinité et dont Philippe Besson est l’un des plus justes chroniqueurs. Olivier Peyon confronte avec subtilité cette réalité à l’époque actuelle et dépeint sans l’enjoliver ce monde où le temps semble s’être arrêté, à travers une galerie de personnages particulièrement crédibles, de l’attachée de presse campée par la trop méconnue Guilaine Londez qui excelle sur le registre ingrat de l’affabilité à toute épreuve, à Victor Belmondo dans un emploi particulièrement délicat. La mise en scène excelle à se concentrer sur les expressions fugitives qui se lisent sur les visages et les petits riens qui trahissent la vérité des sentiments. Peyon y trouve une équivalence pertinente à ce goût pour l’introspection qui caractérise les romans de Besson. Il esquisse aussi en filigrane les contours mouvants d’une France profonde aux prises avec une évolution des mœurs qu’elle absorbe à des rythmes multiples et qui creuse volontiers des abîmes d’incompréhension et de préjugés en élevant malgré elle les uns contre les autres. C’est pourquoi le plus large succès populaire mérite d’être au rendez-vous de ce film généreux et pénétrant qui constitue le plus doux des remèdes contre l’intolérance et ses ravages sournois et invisibles.
Jean-Philippe Guerand
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