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“White Noise” de Noah Baumbach



Film américain de Noah Baumbach (2022), avec Adam Driver, Greta Gerwig, Don Cheadle, Raffey Cassidy, Sam Nivola, May Nivola, Jodie Turner-Smith, André Benjamin, Sam Gold, Carlos Jacott, Lars Eidinger, Francis Jue, Barbara Sukowa… 2h16. Mise en ligne sur Netflix le 30 décembre 2022.



Adam Driver et Greta Gerwig



Noah Baumbach est un cinéaste particulièrement emblématique de son époque. Un pur produit du cinéma indépendant américain apprécié des festivals internationaux (White Noise a d’ailleurs été présenté en ouverture de la Mostra de Venise) qui a compris tout le profit qu’il pouvait tirer du nouveau modèle économico-artistique initié par les plateformes de streaming, en accédant à la fois à des budgets plus conséquents et une audience accrue. Cet artisan avisé a en quelque sorte pris le maquis en 2017 avec The Meyerowitz Stories (New and Selected), présenté hors compétition à Cannes et couronné de la Dog Palml, avant de poursuivre son association avec Netflix en signant Marriage Story qui a valu l’Oscar du meilleur second rôle féminin à Laura Dern en 2020 après sa présentation en compétition à Venise. Il signe aujourd’hui son troisième opus consécutif pour la plateforme et associe l’interprète principal de son précédent film à son épouse et muse, Greta Gerwig, frisée pour l’occasion comme un mouton, en mère dépressive devenue la cobaye d’un psychotrope testé par un laboratoire pharmaceutique, le Dylar. Comme dans la plupart de ses films, le réalisateur se concentre sur une famille américaine qu’il utilise comme le creuset de son époque. Le père tient une chaire… d’hitlérisme dans l’université locale et passe parfois des nuits agitées. Jusqu’au moment où une catastrophe provoque la dispersion de substances toxiques invisibles et inodores dans l’atmosphère…



Raffey Cassidy, Adam Driver, Greta Gerwig

Sam Nivola et May Nivola



Auteur pur et dur, Noah Baumbach exploite avec habileté les possibilités que met à sa disposition Netflix, dont un budget confortable de 80 M$, et s'inspire pour la première fois d’une œuvre littéraire. En l'occurrence un best-seller du romancier Don de Lillo publié en français sous le titre “Bruit de fond” (Stock, 1985) dans une relecture du cinéma décliniste qui a prospéré à l’approche de l’an deux mil, passée elle-même au crible d’une jeune génération pétrie de convictions écologiques qui est celle de Greta Thunberg dans un anachronisme assumé. Le réalisateur semble avoir trouvé en Netflix un commanditaire qui cadre à merveille avec ses ambitions en mettant à sa disposition des moyens que seraient dans l’incapacité de lui fournir les studios traditionnels pour des raisons élémentaires de rentabilité. Parmi les nombreux auteurs soutenus par Netflix, il est sans doute celui qui présente le profil le plus idéal, capable d’attirer des têtes d’affiche de renom par son prestige et de satisfaire ses préoccupations d’auteur sans céder pour autant à un nombrilisme rédhibitoire aux yeux du grand public. Reste à savoir combien de temps durera cette association pour l’instant fertile, même si elle nous prive du cinéma de Noah Baumbach sur le grand écran auquel le destine son ambition qui n’est pas qu’artistique, mais aussi parfois spectaculaire, surtout dans White Noise où le quotidien flirte volontiers avec l’irrationnel. Avec un hommage à la célèbre photo d‘Andreas Gursky “99 Cent”, magnifiquement chorégraphié dans un supermarché sur la chanson “New Body Rhumba” de LCD Soundsystem, que Netflix a même la délicatesse de diffuser in extenso.

Jean-Philippe Guerand








Don Cheadle et Adam Driver

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