Film français de Léonor Serraille (2022), avec Annabelle Lengronne, Stéphane Bak, Kenzo Sambin, Ahmed Sylla, Sidy Fofana, Milan Doucansi, Audrey Kouakou, Étienne Minoungou, Jean-Christophe Folly, Majd Mastroura, Pascal Rénéric, Thibault Evrard, Angelina Woreth… 1h56. Sortie le 1er février 2023.
Stéphane Bak et Annabelle Lengronne
Le sort des migrants a beau laisser indifférent une vaste majorité de la population autochtone française, pourtant elle-même issue d’une longue hybridation de racines diverses, le cinéma y puise régulièrement son inspiration sous les formes les plus multiples. Lauréate de la Caméra d’or au Festival de Cannes 2017 pour Jeune femme, la réalisatrice Léonor Serraille s’attache dans son nouveau film au destin d’un trio arrivé d’Afrique à la fin des années 80, une mère et ses deux fils qui vont s’intégrer au sein d’une société française en pleine ébullition qui ne deviendra Black Blanc Beur que le temps de la parenthèse enchantée de la Coupe du monde de football 1998. Mère courage, Rose va se sacrifier discrètement pour que ses deux garçons deviennent des hommes bien dans un environnement pas toujours propice à la morale. Quitte à sacrifier pour cela sa propre jeunesse. Une chronique universelle que sa programmation trop tardive en compétition à Cannes a recouvert d’un voile d’invisibilité médiatique aussi épais qu’injuste qui risque aujourd’hui de se confirmer en salle, ce qui constituerait l'équivalent d'une double peine particulièrement injustifiée, tant la force de vie qui émane de ce film est puissante..
Annabelle Lengronne
Un petit frère célèbre des valeurs fondamentales : l’amour, l’amitié, la solidarité… Sous la chronique intimiste affleurent toutefois des questions plus graves qui tournent autour de phénomènes tels que l’intégration et la fatalité sociale. Léonor Serraille se méfie toutefois des grands discours et préfère s’en tenir à une observation du quotidien le plus prosaïque pour montrer comment l’amour d’une mère a la capacité de transmettre des valeurs saines à ses enfants, même si la nature humaine peut s’avérer parfois la plus forte et susciter des effets secondaires imprévisibles. La réalisatrice s’est en outre assignée une difficulté supplémentaire, et pas des moindres, en adoptant le point de vue d’une famille franco-africaine qu’elle a emprunté au propre père de ses enfants. Un recul délibéré qui confère une véritable valeur ajoutée à cette chronique impressionniste que domine la mère insubmersible campée par l’éblouissante Annabelle Lengronne, dans le rôle d’une femme prête à tout pour que ses enfants réussissent et deviennent à leur tour des êtres exemplaires, même s’il arrive parfois que certains chiens fassent des chats, contrairement à la formule consacrée. Vœux pieux et illusions perdues dont la portée universelle est sublimée ici par une mise en scène pointilliste dont chaque détail compte. Un joli film qui mérite d’autant plus d’être découvert qu’il risque bien de se retrouver noyé par maintes sorties plus tapageuses ou mieux médiatisées.
Jean-Philippe Guerand
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