Accéder au contenu principal

“Retour à Séoul” de Davy Chou



Film belgo-germano-franco-quatari de Davy Chou (2022), avec Park Ji-min, Oh Kwang-rok, Guka Han, Kim Sun-Young, Yoann Zimmer, Louis-Do de Lencquesaing, Hur Ouk-sook, Émeline Briffaud… 1h59. Sortie le 25 janvier 2023.



Park Ji-min



À 25 ans, Freddie éprouve plus que jamais le besoin viscéral de comprendre d’où elle vient pour savoir où elle va et donner une nouvelle impulsion à sa vie adulte. Alors elle débarque en Corée du Sud et entreprend d’entrer en contact avec ses parents biologiques. Sur place, elle découvre un pays fascinant et se sent bien. Au point de prolonger son séjour et de creuser le mystère de ses origines, tout en gardant un contact avec ses parents adoptifs qu’elle souhaite ménager en les associant à sa quête. Au fil du temps, ses recherches vont la mener dans un autre espace-temps et l’aider à devenir une femme asiatique épanouie, tout en restant attachée à son éducation européenne. Davy Chou n’est pas coréen mais né en France et petit-fils d'un légendaire producteur cambodgien. Il s’est fait remarquer avec un documentaire qui partait sur les traces du cinéma de ses aïeux, Le sommeil d’or (2011). Une contribution très personnelle à un continent cinématographique dont les Khmers rouges ont tenté d’effacer jusqu’à l’existence même, ainsi que l’a démontré à plusieurs reprises le mémorialiste le plus célèbre de ce pays, Rithy Panh, dont l’œuvre insurpassable sur ce sujet reste L’image manquante (2013). Soutien discret mais efficace des jeunes talents de son pays en redevenir, Davy Chou est passé ensuite à la fiction sous la forme d’une chronique qui prenait le pouls des aspirations de la jeunesse contemporaine, Diamond Island (2016).





Retour à Séoul transpose en Corée du Sud un sujet universel : celui d’une quête identitaire qui figure parmi les obsessions récurrentes du peuple cambodgien depuis qu'il a frôlé l'élimination pure et simple sous la dictature de Pol Pot. Davy Chou semble ainsi vouloir dissimuler les fils de son autobiographie et prendre ses distances avec son peuple, en poussant la coquetterie jusqu’à choisir pour protagoniste une jeune femme. Laissons aux psychanalystes le soin d’étudier ce jeu de pistes. À travers ce sujet universel de la quête des racines indispensable à l’épanouissement d’une identité, ce beau film languissant et funèbre déborde largement de ce sujet pour proposer une chronique d’apprentissage ambitieuse portée par une jeune fille à fleur de peau en quête d’une place dans un monde où elle peine à trouver sa juste place. Un rôle transcendé par son interprète, Park Ji-min, époustouflante sur le registre ingrat du vilain petit canard qui va peiner à trouver sa véritable place dans le monde. Une quête bouleversante dont Davy Chou traque les dégâts collatéraux sans la moindre complaisance. C’est peut-être pour cela qu’il a relevé ce défi redoutable qui consiste à situer dans un pays qui n’est pas le sien cette histoire universelle. Comme pour mieux exorciser les démons de la mémoire en filmant non pas une renaissance mais une nouvelle venue au monde, à travers un retour aux sources indissociable des retombées qu’il peut provoquer parmi son entourage. Une invitation à réfléchir à la notion même d’identité dans un monde propice à la confusion des sentiments.

Jean-Philippe Guerand








 Kim Sun-Young, Park Ji-min et Oh Kwang-rok

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la violence. En outre, c’était

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract