Metronom Film roumano-français d’Alexandru Belc (2022), avec Mara Bugarin, Serban Lazarovici, Vlad Ivanov, Mihai Calin, Andreea Bibiri, Mara Vicol, Alina Berzunteanu, Mihnea Moldoveanu, Andrei Miercure, Mariuca Bosnea… 1h42. Sortie le 4 janvier 2023.
Serban Lazarovici et Mara Bugarin
Le cinéma des ex-Pays de l’Est n’est jamais aussi inspiré que lorsqu’il évoque la vie quotidienne sous l’ère soviétique et ses errements les plus flagrants. On en a eu un aperçu saisissant il y a quelques mois avec le film polonais Varsovie 83, une affaire d’État de Jan P. Matuszynski qui chroniquait les conséquences d’une bavure policière ordinaire. Transfuge du documentaire, Alexandru Belc accomplit une démarche voisine avec Radio Metronom dont l’action se déroule une décennie plus tôt à Bucarest parmi un groupe de jeunes gens qui tue son ennui en dansant sur la musique diffusée clandestinement par la station Radio Free Europe. Jusqu’au moment où la police politique de Ceausescu intervient pour donner une leçon à ces adolescents rebelles. Cette chronique de la perte de l’innocence est vue à travers les yeux d’une adolescente dont le chéri s’apprête à émigrer définitivement pour l’Ouest, le vrai, et qui va se trouver projetée malgré elle prématurément parmi les pires tourments de l’âge adulte au fil d'une épreuve de vérité particulièrement cruelle. Le scénario s’appuie sur un contexte politique oppressant pour dépeindre une génération paranoïaque qui voit ses rêves brisés par ses “maillons faibles”, alors même que lui parviennent depuis l’autre côté du Rideau de Fer les échos de l’euphorie post-soixante-huitarde.
Mara Bugarin
L’une des particularités technico-esthétiques de Radio Metronom est d’utiliser la pellicule argentique caméra à l’épaule pour coller au plus près du look des années 70 durant lesquelles il se déroule. L’importance accordée à la musique de l’époque est également primordiale au sein de cette reconstitution soignée, au point où l’écoute du fameux “Light My Fire” des Doors constitue une provocation en soi par le vent de liberté que ce tube Made in USA fait souffler parmi ces jeunes avisés qu’il existe un monde meilleur pas si loin que ça de leur grisaille quotidienne. Lauréat du prix de la mise en scène dans le cadre de la section Un certain regard lors du dernier Festival de Cannes, Alexandru Belc transcende les codes de la chronique d’apprentissage en s’attachant à ce moment crucial où l’insouciance vient à basculer dans l’illégalité. Il s’appuie pour cela sur une distribution particulièrement juste d’où émerge l’actrice principale, Mara Bugarin, qui apparaît par bien des aspects comme une petite sœur de ces adolescentes mises en scène en leur temps par les tchèques Milos Forman dans Les amours d’une blonde (1965) ou Vera Chytilová dans Les petites marguerites (1966). Radio Metronom est une mécanique de précision qui invite à se souvenir d’une époque pas si lointaine que ça où même le droit à l’insouciance était prohibé.
Jean-Philippe Guerand
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