Film italo-français de Mario Martone (2022), avec Pierfrancesco Favino, Tommaso Ragno, Francesco di Leva, Sofia Essaïdi, Nello Mascia, Daniela Ioia, Aurora Quattrocchi, Emanuele Palumbo, Salvatore Striano, Virginia Apicella, Artem, Luciana Zazzera… 1h57. Sortie le 4 janvier 2023.
Francesco di Leva et Pierfrancesco Favino
Un homme revient dans sa ville natale de Naples pour prendre soin de sa vieille mère livrée à elle-même. Au fil des jours, il apparaît qu’il a laissé là les plus belles années de sa vie et a dû fuir malgré lui un destin criminel qui le rebutait. Il est donc revenu solder ses comptes, tirer un trait sur son passé et s’expliquer avec celui qui fut son meilleur ami et a sombré depuis dans le crime organisé et une paranoïa aiguë. Metteur en scène particulièrement fécond, Mario Martone s’est imposé comme l’un des plus ardents chroniqueurs de cette Campanie où il a vu le jour et dont il ne cesse de filmer les mystères depuis le film qui l’a révélé, il y a tout juste trente ans, Mort d’un mathématicien napolitain. Il ajoute avec Nostalgia un chapitre majeur à cette vaste fresque en en confiant le rôle principal à l’excellent Pierfrancesco Favino, acteur remarqué en France pour deux films déjà consacrés à la Mafia : Romanzo criminale (2005) de Michele Placido et Le traître (2019) de Marco Bellocchio qui lui ont valu deux de ses trois David di Donatello. Il campe ici avec une économie de moyens exemplaire un homme qui s’est coupé de ses racines pour ne pas être emporté dans la spirale du crime organisé et revient dans sa ville natale afin de solder ses comptes une fois pour toutes avec ce passé qui n’a cessé de le poursuivre. Une parabole existentielle implacable qui repose sur la retenue exemplaire du comédien dans un rôle où le langage n’occupe délibérément qu’une place accessoire.
Aurora Quattrocchi et Pierfrancesco Favino
Aussi actif au théâtre et à l’opéra qu’au cinéma, Martone jongle du lyrisme avec une retenue parfois déroutante. S’il se présente comme une sorte d’héritier de Luchino Visconti, pour l’emphase, et de Francesco Rosi, par ses thématiques de prédilection, il creuse un sillon plutôt rectiligne en puisant volontiers dans la prose des autres un prétexte pour ressasser ses propres obsessions. Nostalgia s’inspire ainsi d’un roman publié en 2016 par l’écrivain engagé Ermanno Rea, en s’attachant à la personnalité d’un homme qui a réussi sa vie en sacrifiant pour cela ses racines, au point de s’être installé en Égypte et de s’être converti à une autre religion, en coupant les ponts non seulement avec son passé, mais aussi avec sa famille et ses proches. Familier de l’art lyrique pour lequel il a signé de multiples mises en scène, Martone traite ici de l’un de ses thèmes de prédilection : la rédemption, à travers un personnage qui a tout pour être heureux, à l’exception d’une tache maudite qui le hante depuis sa jeunesse et qu’il a besoin d’effacer pour se mettre définitivement en paix avec lui-même. La mise en scène excelle dans la confrontation de cet homme peu disert avec son passé. Jusqu’à une confrontation finale inéluctable qui ne tient pas forcément toutes ses promesses, tant elle apparaît comme un artifice de scénario rendu incontournable par tout ce qui a précédé. Reste une atmosphère oppressante qui associe esthétiquement la splendeur à la déchéance dans une petite danse de mort.
Jean-Philippe Guerand
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