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“Nos soleils” de Carla Simón



Alcarràs Film hispano-italien de Carla Simón (2022), avec Jordi Pujol Dolcet, Anna Otín, Xenia Roset, Albert Bosch, Ainet Jounou, Josep Abad, Montse Oró, Carles Cabós, Joel Rovira, Isaac Rovira, Berta Pipó, Montse Oró, Elena Folguera, Antonia Castells… 2h. Sortie le 18 janvier 2023.





Dans une exploitation de Catalogne, la cueillette des pêches est devenue un véritable rituel qui réunit une fois par an la famille Solé au grand complet. Lorsque son propriétaire envisage de substituer aux arbres fruitiers des panneaux solaires, c’est l’harmonie de façade de cette tribu qui vole en éclats. Filmant avec sensualité les travaux et les jours, Carla Simón confirme ici les promesses d’Été 93 (2017), en creusant la veine autobiographique. Ours d’or de la dernière Berlinale, la réalisatrice excelle sur le registre de l’étude de mœurs, en montrant comment quelques fractures ont peu à peu raison d’une harmonie familiale à toute épreuve sous un soleil écrasant et au cœur d'une nature particulièrement généreuse. Elle se met résolument à la hauteur de ses personnages pour mieux souligner comment la confusion des sentiments peut engendrer la division voire la discorde face à une pureté du cœur sapée par une tentation du profit de nature à diviser les cellules humaines les plus unies.





Nos soleils est un film solaire qui tente de retenir le passage du temps en opposant à la cupidité et au pragmatisme des uns ces valeurs éternelles que tentent de préserver les autres. Parce que ce sont les traditions qui cimentent les relations humaines depuis des siècles, face aux atteintes d’un progrès lui-même assujetti au profit. D’un ressenti ô combien intime, Carla Simón tire une parabole chorale sur la condition humaine dans laquelle des valeurs ancestrales qu’on croyait éternelles viennent se fracasser contre une réalité économique impitoyable. Avec en guise de protection dérisoire une institution elle-même soumise à rude épreuve par la société actuelle : la famille, comme le fragile vestige d’un temps révolu. Il s’agit déjà là du signe de reconnaissance d’une réalisatrice passée par le documentaire qui manipule la nostalgie sans mièvrerie et a compris l’importance que revêtent les traditions lorsqu’il s’agit de préserver l’unité d’une cellule familiale aujourd’hui battue en brèche par le cynisme ambiant. Sans passéisme excessif, mais avec une mélancolie communicative qui s’exprime par des gestes et des regards davantage que par de grands discours aussi vains que démonstratifs.

Jean-Philippe Guerand








Anna Otín

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