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“Makanai : Dans la cuisine des maiko” de Hirokazu Kore-eda



Maiko-san Chino makanai-san Série japonaise de Hirokazu Kore-eda, Hiroshi Okuyama, Takuma Satô et Megumi Tsuno (2022), avec Nana Mori, Natsuki Deguchi, Harrison Xu, Yuuki Luna, Keisuke Hoashi, Bella Asali, Heather Muriel Nguyen, Mayu Matsuoka, Ai Hashimoto, Keiko Matsuzaka, Takako Tokiwa, Aju Makita… 9 épisodes de 45mn. Mise en ligne de la saison 1 sur Netflix le 12 janvier 2023.



Natsuki Deguchi et Nana Mori



Netflix est un véritable labyrinthe au détour duquel il arrive qu’on déniche d’authentiques merveilles, sans nécessairement les avoir cherchées. Parmi celles-ci, la première saison d’une série signée par le réalisateur japonais Hirokazu Kore-eda dont le dernier film, Les bonnes étoiles, tourné en Corée du Sud, est sorti début décembre dans les salles françaises. Makanai : Dans la cuisine des maiko est l’adaptation d’un roman graphique d’Aiko Koyama publié en 2016 dans le journal “Weekly Shonen Sunday”, vendu en album à 1,8 million d’exemplaires et déjà adapté pour la télévision sous la forme d’une série d’animation en 2021. Une chronique impressionniste qui s’attache à l’apprentissage de deux adolescentes qui aspirent à intégrer une maison de maiko de Kyoto afin d’y devenir l’équivalent contemporain des geishas : des femmes idéales qui perpétuent une longue tradition par leur éducation et leur existence en vase clos. Alors que l’une d’elles est acceptée au sein de cette communauté, sa camarade y est engagée en qualité de cuisinière grâce à un don inné pour la gastronomie. Au fil du temps, les différentes pensionnaires de ce gynécée vont se dévoiler dans leurs paradoxes et leurs contradictions, à travers de multiples facettes du statut de la femme au sein de la société japonaise et sous la figure tutélaire de la femme qui règne sur cette communauté tiraillée entre tradition et modernité, sous couvert d’une personnalité énigmatique qui impose spontanément le respect.



Takako Tokiwa




À son habitude, le cinéaste lauréat de la Palme d'or du Festival de Cannes 2018 pour Une affaire de famille excelle par son humanité et porte sur ces femmes un regard complice qui passe par un casting impeccable. Il s’amuse à dessein à confronter directement ces femmes qui évoluent en vase clos aux tentations du monde extérieur avec lequel elles fraient volontiers, sans rien occulter des existences à côté desquelles elles sont parfois passées. À l’instar de cette matrone dévouée que le destin remet en contact avec l’acteur de théâtre kabuki qui fut son premier et unique amour. Cette série d’une exquise délicatesse parfois ponctuée d’humour et d’émotion propose en filigrane une réflexion passionnante sur le statut de la femme japonaise dans un monde parfois à la pointe de la modernité mais toujours attaché à ses traditions. Un propos universel qui inspire au réalisateur autant de tendresse que de bienveillance, à travers le rêve un peu désuet de ces deux jeunes filles immergées dans un monde réglementé par des conventions parfois anachroniques au sein duquel elles manifestent parfois des réactions spontanées sinon puériles. À l’instar de ces tickets de tombola que convoite la cuisinière dans l’espoir de gagner… une machine à pain. Cette série réjouissante constitue une délicieuse confrontation entre un Japon traditionnaliste qu’ont évoqué en leur temps certains films de Kenji Mizoguchi, Akira Kurosawa ou Shôhei Imamura et une société à la pointe de la modernité. C’est un régal à savourer sans modération.

Jean-Philippe Guerand







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