Metsurin tarina Film finlando-hollando-dano-allemand de Mikko Myllyahti (2022), avec Jarkko Lahti, Hannu-Pekka Björkman, Ulla Tapaninen, Livo Tuuri, Marc Gassot, Katja Küttner, Armi Toivanen, Lauri Maijala… 1h39. Sortie le 4 janvier 2023.
Jarkko Lahti
Certaines contrées semblent propices à l’extravagance. Les frères Aki et Mika Kaurismäki ont perpétué sur le mode pince-sans-rire l’image d’une Finlande où les aurores boréales et le soleil de minuit font briller un humour inimitable. Les familiers de ces cinéastes ne s’étonneront donc pas de reconnaître une certaine proximité entre leurs films et L’étrange histoire du coupeur de bois. Au fin fond de la Laponie, le bûcheron Pepe dont la chapka accuse l’apparence de lapin ébloui par des phares voit son équilibre existentiel troublé par une succession d’événements imprévus auxquels il s’obstine à opposer un flegme déconcertant. Un sujet imaginé par un poète estampillé en tant que tel et déjà connu pour avoir inspiré à son compatriote Juho Kuosmanen Olli Maki, prix Un certain regard lors du Festival de Cannes 2016. Cet humour dont son réalisateur assure qu’il est typique de la Finlande rurale, Mikko Myllyahti le met en scène avec une extrême rigueur, sans jamais appuyer le moindre effet par des artifices inutiles. Au point d’en venir à nous faire douter de la légitimité de notre rire spontané. Le jeu des comédiens accuse en outre cette impression par son absence délibérée de signes extérieurs. Un peu comme s’ils étaient tous peu ou prou des héritiers en droite ligne de Buster Keaton et subissaient les aléas de leur sort sans rien tenter pour modifier le cours du destin.
Ulla Tapaninen et Jarkko Lahti
L’étrange histoire du coupeur de bois évolue sur le registre de l’absurde le plus anodin. Au point qu’on ne s’étonne presque jamais du sort, souvent funeste, réservé à ses protagonistes, le personnage principal portant sur le monde qui l’entoure un regard le plus souvent d’une indifférence déconcertante. Il n’est dès lors pas vraiment surprenant que Mikko Myllyahti convoque parmi ses références la littérature des Autrichiens Franz Kafka et Peter Handke qui frise parfois avec le théâtre de l’absurde, ainsi que des cinéastes aussi inclassables que Robert Bresson, Pier Paolo Pasolini, Takeshi Kitano, David Lynch et Andreï Tarvovski. Autant de francs-tireurs avec lesquels il partage une profonde singularité, mais aussi une rigueur formelle remarquable. Avec aussi cette devise limpide en bandoulière : « Si on commence à questionner l’absurde ou le surréel, on risque de perdre quelque chose d’unique. » Une détermination qui innerve à jet continu les scènes les plus baroques de cette comédie des apparences peuplée de personnages pittoresques qui laissent rarement filtrer leurs émotions et se complaisent au sein d’une certaine confusion des sentiments. À l’image de cette femme qui stimule sa libido dans le lit conjugal surmonté d’un coucou, en cherchant l’inspiration dans la prose de Sigmund Freud. Et il ne s’agit là que de l’un des personnages extravagants qui peuplent ce film déroutant mais jubilatoire venu d’ailleurs.
Jean-Philippe Guerand
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