Film français de Thomas Salvador (2022), avec Thomas Salvador, Louise Bourgoin, Martine Chevallier, Laurent Poitrenaux, Andranic Mannet, Hassan Jouhari, Catherine Lefroid, Sylvain Frendo, Lucie Vadot, Alexandre Marchesseau, Adam Pouilhe… 1h52. Sortie le 1er février 2023.
Thomas Salvador
L’ivresse des cimes n’est pas qu’une formule poétique. C’est un phénomène authentique qu’on pourrait décrire sommairement comme l’opposé du vertige, mais qui repose sur un phénomène très proche. Au lieu d’y être attiré par le vide, on y est happé par les sommets. C’est le cas d’un ingénieur parisien de passage dans les Alpes qui cède à la tentation et plante sa tente en altitude. Jusqu’au moment où il se trouve confronté à d’étranges phénomènes et a la sensation de ne faire qu’un avec la montagne. De la comédie intimiste au film d’aventure fantastique, il n’y a parfois qu’un pas que franchit allègrement Thomas Salvador par son sens du burlesque associé à une poésie délibérément irrationnelle qu’on croise trop rarement dans notre cinéma français si cartésien quand il ne cède pas au chant des sirènes hollywoodiennes. Dans son premier long métrage, Vincent n’a pas d’écailles (2015), il sortait déjà résolument des sentiers battus du cinéma d’auteur français et mettait en scène les tribulations d’un personnage en proie à des phénomènes irrationnels. Dans les deux films, un être à part embarque une femme dans son secret, une étrange osmose avec la nature : hier l’eau avec Vimala Pons, aujourd‘hui la glace avec Louise Bourgoin dans un rôle qu’elle incarne toute en retenue. Comme si l’amour et les éléments se trouvaient en osmose absolue.
Louise Bourgoin
Non seulement Thomas Salvador a de la suite dans les idées, mais il ne laisse à personne d’autre le soin de tenir le rôle principal de ses films et de se frotter à cette poésie surréaliste qui évoque Jean Cocteau par sa folie douce. Une référence laissée en friche par le cinéma français qui s’en est trop rarement nourri. La montagne n’est pas un remake déguisé de son précédent film, mais plutôt sa déclinaison plus intériorisée. Le scénario illustre en quelque sorte le fameux vertige des cimes qui envahit un homme submergé par ses sensations. Avec à la clé des images sublimes qui le montrent en train de faire corps avec les éléments, en proie à des phénomènes que Salvador n’a cure d’expliquer. Dans une production fantastique anglo-saxonne ou asiatique traditionnelle, le scénario hasarderait des explications, aussi fumeuses puissent-elles paraître. Rien de cela ici. Le cinéaste se contente de mettre en scène la beauté, sans justifier les événements qu’il filme autrement que par l’osmose qui s’établit entre le héros taiseux qu’il incarne et un environnement au sein duquel il se laisse fondre… au propre comme au figuré. Pour recycler un slogan publicitaire fameux, La montagne, ça vous gagne !
Jean-Philippe Guerand
Commentaires
Enregistrer un commentaire