Film franco-islando-belge de Dinara Drukarova (2022), avec Dinara Drukarova, Sam Louwyck, Björn Hlynur Haraldsson, Hjörtur Jóhann Jónsson, Dylan Robert, Anthonythasan Jesusthasan, Magne-Håvard Brekke, David Menéndez… 1h24. Sortie le 11 janvier 2023.
Dinara Drukarova
C’est l’histoire d’une femme déterminée à se faire place dans un monde d’hommes. Lili est partie de chez elle pour réaliser son rêve : embarquer sur un bateau de pêche qui croise dans les eaux nordiques. Sa détermination convainc un patron de chalutier de la prendre à bord du “Rebel” où on la surnomme “Moineau”. Là, cette femme aussi zélée que secrète et dure à la tâche réussit à se frayer une petite place dans un monde d’hommes, en imposant le respect à ses compagnons par son indépendance et sa soif de liberté. La première réalisation de la Dinara Drukarova ressemble à la forte personnalité de cette actrice russe devenue une figure familière du cinéma d’auteur international à travers des choix parfois radicaux. Elle n’a évidemment laissé à personne d’autre le soin d’incarner cette femme de nulle part qui cultive son propre mystère, mais poursuit son obsession sans dériver de la trajectoire qu’elle s’est elle-même fixée. Son scénario s’inspire d’un livre (Éditions de l’Olivier, 2016) dans lequel la baroudeuse Catherine Poulain relatait sa propre expérience en Alaska.
Dinara Drukarova
Grand marin marque la rencontre d’une actrice atypique avec un personnage qui lui ressemble à tout le moins par sa volonté à toute épreuve. Cette chronique qui se déroule sans ressentir le besoin de s’appuyer sur une intrigue proprement dite porte sur l’univers qu’elle dépeint un regard délibérément réaliste. Dinara Drukarova filme cette histoire avec une rigueur documentaire, en se glissant dans la peau de cette femme puissante mais sans jamais chercher à la transformer en héroïne romanesque. Elle montre juste une femme confrontée à un univers traditionnellement machiste où elle va tout mettre en œuvre pour se faire accepter et même susciter une certaine admiration parmi des marins qui adoptent des comportements misogynes et phallocrates sous l’effet d’une tradition d’un autre âge qu’ils en viennent à perpétuer malgré eux. En optant pour un titre au masculin (le livre s’intitulait quant à lui “Le grand marin”), à une époque où il est d’usage de féminiser le vocabulaire dans un souci louable de parité, Grand marin souligne ce paradoxe qui fait qu’une femme bénéficie du respect de ses collègues mâles au point qu’elle accepte de sacrifier son identité de genre pour adopter celui des dominants. Un paradoxe à méditer…
Jean-Philippe Guerand
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