Film français de Marie-Castille Mention-Schaar (2022), avec Oulaya Amamra, Lina El Arabi, Niels Arestrup, Zinedine Soualem, Nadia Kaci, Laurent Cirade, Marin Chapoutot, Louis Damien Kapfer, Salomé Desnoues, Aurélien Carbou, Léonard Louf, Jonas Ben Ahmed, Louise Legendre, Martin Gillis… 1h50. Sortie le 25 janvier 2023.
Lina El Arabi
Les histoires les plus incroyables sont souvent aussi les plus authentiques. Celle des jumelles Zahia et Fettouma Ziouani est particulièrement édifiante par son exemplarité. L’une rêvait de devenir cheffe d’orchestre, l’autre violoncelliste professionnelle. C’est en créant leur propre formation baptisée Divertimento que ces deux sœurs d’origine algérienne issues de Seine-Saint-Denis sont parvenues à aller au bout de leur rêve, en passant outre les obstacles dressés sur leur route par des institutions traditionnelles bien peu ouvertes à la diversité, qu’elle soit géographique ou artistique. Un sujet édifiant qu’a accepté la réalisatrice Marie-Castille Mention-Schaar lorsqu’un producteur le lui a proposé, tant il lui a semblé correspondre à cette aspiration intime à un monde idéal qui relie par un fil rouge invisible la plupart de ses films. L’aboutissement d’une double détermination à toute épreuve, mais aussi des multiples obstacles qui se sont accumulés en travers de leur ascension atypique vers la gloire. Elle-même issue d’une famille de musiciens, la réalisatrice a lu entre les lignes de ce projet un éloge de la détermination individuelle, mais aussi une célébration de l’art en tant que moyen de se transcender. C’est ce qui l’a décidée à prendre à son compte les conventions du Feel Good Movie et de positiver, sans occulter pour autant aucun des écueils qui se sont dressés en travers du chemin de ses deux protagonistes.
Divertimento est bien davantage qu’un éloge de la musique, la chronique du combat de deux sœurs pour conjurer la fatalité sociale en transmettant leur passion pour la musique en marge des institutions dont c’est la vocation. Une sorte de conte de fées moderne qui souligne qu’aux sacrifices parfois inhumains qu’exigent certaines disciplines artistiques s’ajoute parfois le handicap rédhibitoire qui consiste à ne pas être né au bon endroit et à ne pas être rompu aux codes en vigueur dans un cénacle particulièrement fermé. Une histoire édifiante qui ne prend de véritable sens que parce qu’elle est malheureusement authentique et témoigne des clivages propres à certains milieux. Dans ce cas précis, la réussite a un prix exorbitant qui passe en quelque sorte par une double peine. Avec pour figure tutélaire un enseignant dictatorial que campe Niels Arestrup avec son autorité naturelle et sa bougonnerie si photogénique en Sergiu Celibidache, face à deux des comédiennes les plus prometteuses de leur génération qui incarnent elles aussi ce que les enfants de l’immigration possèdent de plus remarquable dans le domaine artistique : Oulaya Amamra, révélée par Divines, et Lina El Arabi, découverte quant à elle dans Noces. Un casting idéal qui n’est pas indifférent à la puissance dramatique que déploie ce film d’une sincérité dépourvue de toute ambiguïté dans lequel met sa force de conviction coutumière au service d’un domaine qui lui est particulièrement cher : la musique classique dans laquelle sa jeunesse a baigné.
Jean-Philippe Guerand
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