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“Amore mio” de Guillaume Gouix



Film français de Guillaume Gouix (2022), avec Alysson Paradis, Élodie Bouchez, Viggo Ferreira-Redier, Félix Maritaud… 1h20. Sortie le 1er février 2023.



Élodie Bouchez, Viggo Ferreira-Redier et Alysson Paradis



Comédien discret mais attachant, Guillaume Gouix a choisi de passer à la réalisation en s’imposant quelques contraintes qui s’apparentent à un véritable cahier des charges. Il s’attache aux retrouvailles de deux sœurs que la vie a séparées depuis des lustres. La cadette vient de perdre son compagnon et se retrouve seule avec son petit garçon, tandis que son aînée convoque les spectres lointains de leur enfance pour essayer de restaurer leur complicité que le temps a dissoute. La jeune femme refusant d’assumer un statut de veuve éplorée qui ne cadre pas avec sa nature, elle persuade sa sœur de mettre le cap vers l’Italie. Un périple en forme de jeu de la vérité où les deux sœurs vont s’efforcer de rattraper le temps perdu entre bouffées d’émotion et fous rires spontanés. Amore mio brille moins par son originalité que par sa sincérité. Son expérience d’acteur incite Guillaume Gouix à miser sur ses trois interprètes, en opposant à la spontanéité du jeune Viggo Ferreira-Redier, jamais dans le cabotinage, la complicité tacite de deux comédiennes investies dans leurs personnages. À sa compagne Alysson Paradis, beaucoup trop rare à l’écran, il oppose la maturité rassurante d’Élodie Bouchez, rompue à ce genre de défi par ses expériences passées et un goût du risque souvent couronné de succès.


Alysson Paradis et Élodie Bouchez



Légitimement couronné par le jury jeune du festival de Saint-Jean-de-Luz, Amore mio échappe aux conventions du Road Movie pour nous embarquer dans une sorte de périple initiatique qui va peu à peu remplir les pointillés de deux existences séparées, en proposant une réflexion intéressante sur les liens qui se relâchent malgré nous et creusent parfois d’inéluctables fossés d’incompréhension entre les êtres les plus chers. Une certaine nostalgie filtre à travers ces tâtonnements que les comédiennes viennent à nourrir de leur complicité encouragée en vase clos par le réalisateur qui les a encouragées à improviser à partir d’un canevas rigoureux. Au point qu’on en vient à se demander si une telle émotion aurait été possible en confiant le rôle tenu par Élodie Bouchez à la véritable sœur aînée d’Alysson Paradis… Vanessa, avec laquelle elle a plus de onze ans de différence. Or, le talent de Guillaume Gouix consiste précisément à accentuer le décalage qui s’instaure entre la fiction et la réalité, en s’appuyant autant sur ce qui sépare ses protagonistes que sur ce qui les rapproche. C’est sans doute là le secret du charme de ce modeste huis clos à ciel ouvert qui est bien davantage qu’un simple exercice de style : la promesse d’un talentueux cinéaste en devenir qui filme à l’os et sans fioritures des sentiments aussi vertigineux qu’une ritournelle italienne.

Jean-Philippe Guerand








Viggo Ferreira-Redier, Alysson Paradis et Élodie Bouchez

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