Film français de Sylvie Verheyde (2022), avec Flavie Delangle, Marina Foïs, Benjamin Biolay, Louise Malek, Prune Richard, Paul Manniez, Noémie Zeitoun, Frédéric Sandeau… 1h50. Sortie le 14 décembre 2022.
Marina Foïs, Flavie Delangle et Benjamin Biolay
Cinéaste résolument indépendante, Sylvie Verheyde a longtemps eu pour muse la comédienne Karole Rocher qu’elle adouba comme alter ego dans ses trois premiers longs métrages dont Stella (2008) où elle incarnait la mère de l’héroïne. Son nouveau film se présente comme son prolongement logique, chronique d’une adolescente à l’orée de la vie dont le voyage au bout de la nuit se déroule dans le Paris des années 80, avant même que ne se profile à l’horizon le spectre de la maladie d’amour, le sida. Ce nouveau volet de son autobiographie vaut à la cinéaste de révéler une nouvelle interprète en la personne de Flavie Delangle, impeccable dans le rôle ingrat d’une fille qui ose rêver sa vie pour échapper à sa condition, sans pour autant renier ses origines prolétaires et rien céder de ses convictions. Quitte à donner parfois l’impression d’être un peu butée. La réalisatrice excelle dans la reconstitution d’une époque idéalisée a posteriori où règne encore une insouciance qui ne fera pas long feu. Mais ça, personne n’en est encore vraiment conscient. Ce voyage au bout de la nuit parisienne reflète avec une grande justesse les affres d’un âge dit ingrat qui largue avec une certaine méfiance les amarres de l’enfance, tout en plongeant avec une appréhension assumée dans le grand bain de l’âge dit adulte.
Louise Malek et Flavie Delangle
Stella est amoureuse est un film qui associe la tendresse à la mélancolie dans une subtile alchimie de sentiments contradictoires et parfois violents. Sylvie Verheyde y renoue avec une longue tradition autobiographique du cinéma français qui va de François Truffaut à Diane Kurys et observe avec une empathie communicative son double de cinéma, sans jamais céder à la tentation de la complaisance ou du pittoresque. Flavie Delangle se révèle rebelle à souhait dans ce rôle déjà incarné il y a quatorze ans par Léora Barbara, mais aussi avant elles sous le prénom de Sophie par Emma de Caunes dans Un frère… (1997) et Princesses (2000). Loin de sublimer son adolescence (elle est née en 1967), la réalisatrice reconstitue avec finesse et subtilité une époque parfois idéalisée rétrospectivement, notamment à travers la place de choix qu’elle accorde à la musique de l’époque dans une bande originale qui affiche ostensiblement des allures de playlist idéale et égrène les tubes à jet continu. Loin d’idéaliser ces années 80 qui ont vu la liberté des mœurs décomplexée par Mai 68 se fracasser contre la menace du sida, dont Valeria Bruni Tedeschi évoque simultanément le spectre dans Les Amandiers, Stella est amoureuse se concentre sur ce fameux âge des possibles qui fait fantasmer les artistes depuis des siècles, sans pour autant jamais chercher à l’idéaliser. L’angélisme ne fait pas vraiment partie de son caractère. Elle lui préfère une certaine âpreté non dénuée de tendresse qui nous donne une envie irrésistible de la voir poursuivre cette autobiographie qui est devenue un peu la nôtre, par le soin qu’elle met à respecter son état d’esprit et ses espoirs parfois déçus.
Jean-Philippe Guerand
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