Taht el Karmouss Film tuniso-franco-helvéto-allemand d’Erige Sehiri (2022), avec Ameni Fdhili, Fidé Fdhili, Feten Fdhili, Samar Sifi, Leila Ohebi, Hneya Ben Elhedi Sbahi, Gaith Mendassi, Abdelhak Mrabti… 1h32. Sortie le 7 décembre 2022.
Fidé et Feten Fdhili
Découvert au festival de Cannes en mai dernier, le premier long métrage de la réalisatrice tunisienne Erige Sehiri ne pouvait rêver d’un timing plus opportun que cette sortie hivernale. Il prend pour cadre un verger ensoleillé où se déroule la cueillette traditionnelle des figues. L’occasion pour les plus jeunes de flirter et pour leurs aînés de les observer avec autant de malice que de nostalgie. Le temps semble littéralement s’être arrêté sur ce havre de paix paradisiaque dans le cadre duquel se déroule un rituel immémorial qui favorise l’éveil des sens et l’ouverture à des sentiments encore bruts. La mise en scène excelle sur le registre de la sensualité la plus hédoniste qui soit, en soulignant l’osmose sensorielle qui s’établit entre ces ouvrières agricoles et la nature, sur fond d’éveil de sentiments parfois encore indéfinis. Dès lors, résumer Sous les figues consisterait à additionner des émotions et des sensations, tant ses protagonistes semblent vivre leur quotidien de labeur dans l’insouciance. Il y a délibérément quelque chose du jardin d’Eden dans cette plantation d’arbres fruitiers chargée de symboles mythologiques.
Abdelhak Mrabti et Fidé Fdhili
Issue du documentaire, Erige Sehiri observe ces cueilleurs avec une empathie communicative. Elle excelle à décrire les gestes les plus infimes du quotidien et utilise sa caméra pour caresser ses protagonistes, avec la complicité notable de sa directrice de la photographie, Frida Marzouk, qui confère à ce film résolument contemplatif une sensualité rare qui passe autant par la beauté de la nature que par le grain satiné de la peau des cueilleuses. Le scénario écrit par la réalisatrice avec Ghalya Lacroix (la complice habituelle d’Abdellatif Kechiche) et Peggy Hamann présente la particularité de s’attarder sur des gestes infimes afin de créer une atmosphère profondément envoûtante qui nous donne l’illusion d’être les témoins invisibles de ces scènes de la vie quotidienne à ciel ouvert où les êtres s’approchent et se frôlent avec autant d’insouciance que d’innocence. Une véritable symphonie de corps et de visages filmés souvent en plans rapprochés, afin de mieux suggérer ce que la pudeur interdit d’exprimer trop ostensiblement dans une Tunisie pionnière d’une révolution arabe qui est demeurée inachevée. Bref, quelques minutes de soleil en plus particulièrement bienvenues à une période qui en a sans doute besoin plus qu’aucune autre.
Jean-Philippe Guerand
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