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“Les bonnes étoiles” de Hirokazu Kore-eda



Beurokeo Film sud-coréen de Hirokazu Kore-eda (2022), avec Song Kang-ho, Gang Dong-won, Doona Bae, Lee Ji-eun, Lee Joo-young, Kang Gil-woo, Park Hae-joon, Im Seung-soo, Kim Sae-byuk, Ryu Kyung-soo… 2h09. Sortie le 7 décembre 2022.



Lee Ji-eun



La famille nourrit l’œuvre du réalisateur japonais Hirokazu Kore-eda dont elle constitue le centre de gravité. Après une incursion en France pour La vérité (2019), c’est en Corée du Sud qu’il situe son nouvel opus. Parce que ce qui reste une exception au pays du Soleil levant constitue une pratique courante au pays du Matin calme. Les mères désireuses d’abandonner leurs nouveaux-nés disposent à cet effet de boîtes à bébés qui garantissent à la fois l’intégrité physique des poupons et l’anonymat de celles qui se voient contraintes de procéder à cet ultime sacrifice. Une pratique qui inspire au cinéaste nippon une chronique pour le moins singulière dans laquelle des malfrats dérobent l’un de ces précieux colis humain pour en tirer profit. Mais c’est compter sans l’humanité de ces trafiquants qui vont devoir traverser le pays pour trouver à se débarrasser de leur fardeau humain et constater que tous ceux qui le croisent se trouvent mystérieusement transfigurés par ce poupon. Au point de créer malgré lui une sorte de cocon alternatif comme les affectionne le réalisateur d’Une affaire de famille. En adoptant le ton de la comédie sociale, Kore-eda confère à un sujet qui pouvait prêter au sordide une fantaisie réjouissante qui s’apparente au conte philosophique.



Lee Ji-eun, Gang Dong-won et Song Kang-ho



Au premier degré, le sujet des Bonnes étoiles aurait pu inspirer une chronique naturaliste sordide. Son traitement adopte pourtant un ton délibérément léger. Comme pour prendre quelque distance avec son sujet et se placer au-dessus de la mêlée. Kore-eda n’a pas son pareil lorsqu’il s’agit de tisser des relations humaines, de préférence entre des personnages qui n’étaient pas nécessairement faits pour se rencontrer. Cette alchimie produit une fois de plus ici des miracles, grâce à un casting inspiré. Ce n’est dès lors pas un hasard si son rôle de ravisseur au cœur gros comme ça a valu au comédien Song Kang-ho un prix d’interprétation masculine à Cannes où l’interprète fétiche de Bong Joon-ho l’aurait déjà amplement mérité, ne serait-ce que pour sa composition spectaculaire dans Parasite. Avec à ses côtés une autre habituée de la Croisette, la comédienne Doona Bae. Ce film réjouissant illustre la capacité d’adaptation de son auteur qui s’est offert le luxe de diriger ses interprètes sans pratiquer lui-même la langue coréenne et démontre une fois de plus à cette occasion combien les émotions peuvent s’avérer parfois plus éloquentes que les mots. Il émane de cette tranche de vie une empathie communicative que reflète son titre français. En cette période de Noël propice aux miracles, on peut aussi reconnaître dans ces “bonnes étoiles” ramenées malgré elles sur le droit chemin par un poupon qui symbolise le comble de l’innocence une déclinaison asiatique des rois mages pétillante de malice.

Jean-Philippe Guerand









Song Kang-ho

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