The Banshees of Inisherin Film irlando-américain de Martin McDonagh (2022), avec Colin Farrell, Brendan Gleason, Kerry Condon, Barry Keoghan, Gary Lydon, David Pearse, Pat Shortt, Sheila Flitton, Jon Kenny… 1h54. Sortie le 28 décembre 2022.
Brendan Gleason et Colin Farrell
C’est la chronique d’une amitié qui s’achève de façon nette et brutale à l’initiative de l’un des deux protagonistes, sans même que celui-ci cherche à se justifier par le moindre prétexte. Lorsque Colm décide de façon unilatérale de mettre un terme à son amitié avec Padraic, c’est toute la communauté insulaire d’Inisherin qui s’en trouve affectée, sans que quiconque parvienne à comprendre le mobile de cette rupture, ni surtout prenne le parti de l’un ou de l’autre. Le réalisateur sardonique de 7 psychopathes (2012) et de 3 Bilboards : Les panneaux de la vengeance (2017) revient dans son Irlande natale pour orchestrer les conséquences démesurées d’une décision aussi anodine qu’arbitraire, laquelle semble dictée par la lassitude bien compréhensible à laquelle peut conduire la force de l’habitude Surtout quand on n’arrive même plus à en percevoir l’origine. Un enchaînement inéluctable qu’aucun des protagonistes ne semble en mesure d’enrayer, tant ses motivations paraissent fondées et sa détermination irréversible.
Brendan Gleason et Colin Farrell
Martin McDonagh associe pour cette chronique minimaliste deux inspirations différentes : l’étude de mœurs et la comédie de caractères. À partir d’une décision a priori inexplicable, qui n’apparaît finalement que comme un vulgaire prétexte narratif, la mise en scène tire les fils d’une routine sociale dont les origines lointaines ont induit la force de l’habitude. Alors quand un citoyen ronchon s’aventure à remettre en question ce fragile équilibre dont l’épicentre est le bistro où naissent des cuites d’anthologie qui alimentent le folklore local, il engendre un véritable séisme au sein de ce microcosme coupé du monde dont l’équilibre repose sur des pratiques immémoriales. On connaît des guerres qui ont commencé de la sorte… Ce duel à fleurets mouchetés conditionné par une accumulation de non-dits prend toute sa dimension à travers l’affrontement de deux natures, Colin Farrell et Brendan Gleason, déjà associés dans le film qui a rendu célèbre son réalisateur, Bons baisers de Bruges (2008). C’est dire qu’on évolue ici en bonne compagnie, même si le prétexte peut sembler d’autant plus vain qu’en dépit de ses clins d’œil désespérés au fameux Homme tranquille (1952) de John Ford, Les Banshees d’Inisherin pâtit d’un singulier manque d’épaisseur psychologique. À trop laisser le folklore et la couleur locale dissoudre la dramaturgie, la vacuité insigne de ses enjeux dramaturgiques affleure dans toute sa superficialité. Les cartophiles apprécieront sans doute la beauté des paysages.
Jean-Philippe Guerand
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