Film franco-canadien de Charlotte Le Bon (2022), avec Joseph Engel, Sara Montpetit, Monia Chokri, Arthur Igual, Karine Gonthier-Hyndman, Anthony Therrien, Pierre-Luc Lafontaine, Jeff Roop, Lévi Doré… 1h40. Sortie le 7 décembre 2022.
Joseph Engel
Miss météo de l’émission culte “Nulle Part Ailleurs”, devenue comédienne à ses heures, Charlotte Le Bon passe à la réalisation avec un film d’apprentissage nimbé d’une atmosphère fantastique. Un sujet qu’elle est allée puiser dans une bande dessinée de Bastien Vivès, “Une sœur“, transposée de la Bretagne à la région québécoise des Laurentides. Une adaptation dont la liberté assumée repose sur la confrontation élémentaire de deux adolescents en vacances en pleine forêt. Un cadre familier des amateurs de chroniques initiatiques et de films fantastiques où la nature devient bien souvent un cadre menaçant. Des références qui ont baigné Charlotte Le Bon et l’ont incitée à signer cet exercice de style qui baigne dans une atmosphère à la fois familière et parfaitement maîtrisée. Falcon Lake prend toutefois ses distances avec des films tels que Stand By Me ou une saga comme Souviens-toi… l’été dernier par l’importance qu’il accorde au pouvoir de la suggestion, en utilisant en outre son cadre champêtre non comme un simple décor mais comme un acteur à proprement parler de cette histoire dont la tension repose davantage sur la suggestion que le spectaculaire voire le grand-guignol inhérent à certaines productions hollywoodiennes à l’usage des teenagers.
Joseph Engel et Sara Montpetit
Couronné récemment du prestigieux Prix Louis Delluc du premier film, Falcon Lake distille une tension qui va crescendo sans passer pour autant par les morceaux de bravoure sensationnels qu’on serait en droit d’en attendre. Charlotte Le Bon préfère se concentrer sur la psychologie des deux adolescents qu’incarnent Joseph Engel (révélé par Louis Garrel dans L’homme fidèle puis La croisade) et Sarah Montpetit, remarquée pour son interprétation du personnage de Maria Chapdelaine pour Sébastien Pilote. La réussite du film repose pour une bonne part sur la subtilité avec laquelle Charlotte Le Bon se glisse dans la tête de ses jeunes protagonistes pour saisir ces moments fugaces de l’adolescence qui justifient son appellation d’âge des possibles. Cette chronique peut rebuter si on a l’impression qu’il ne s’y passe pas grand-chose, ce qui est évidemment intentionnel. La mise en scène ne cherche jamais à orienter notre regard donc à nous manipuler et préfère suggérer que montrer. Elle distille au contraire un poison lent qui nous fait émerger de ce film d’atmosphère comme d’un mauvais rêve, sans qu’on parvienne à distinguer précisément ce qui appartient à la réalité objective et ce qui relève de notre inconscient le plus profond. C’est là l’intérêt principal de cette expérience cinématographique fascinante autant que porteuse d’un grand espoir pour l’avenir de sa réalisatrice.
Jean-Philippe Guerand
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