Film austro-luxembourgo-germano-français de Marie Kreutzer (2022), avec Vicky Krieps, Florian Teichtmeister, Katharina Lorenz, Jeanne Werner, Alma Hasun, Manuel Rubey, Finnegan Oldfield, Aaron Friesz, Rosa Hajjaj, Lilly Marie Tschörtner, Colin Morgan… 1h53. Sortie le 14 décembre 2022.
Florian Teichtmeister
S’il est une légende qui a séduit le cinéma, c’est bien celle d’Elisabeth d’Autriche dite Sissi, impératrice espiègle et fantasque que Romy Schneider a immortalisée dans trois films en Sissi, de 1955 à 1957, puis quinze ans plus tard dans Ludwig : le crépuscule des dieux de Luchino Visconti. Un personnage à ce point emblématique qu’il suscite en moyenne un film par an dans son pays, au point d’avoir transformé cette souveraine en égérie rock’n’roll par sa modernité. Corsage s’offre le luxe de donner une image quelque peu différente de la femme minaudante devenue la confidente de son cousin Louis II de Bavière. Le portrait qu’en dresse ce film est quelque peu différente et cultive des correspondances calculées avec la place que revendiquent aujourd’hui légitimement les femmes dans un monde trop longtemps dominé par la gent masculine. Marie Kreutzer n’a cure des puristes qui seraient tentés de lui reprocher les anachronismes et les raccourcis saisissants dont elle parsème son film. Sa démarche rejoint en cela celle de Sofia Coppola insérant une paire de Louboutin en évidence dans Marie Antoinette (2006). L’impératrice quadragénaire campée par Vicky Krieps est résolument dépeinte comme une femme en avance sur son époque qui préfère agir que subir et se moque au moins autant de l’orthodoxie des conventions que des règles de l’étiquette. Une composition primée à Cannes dans le cadre de la section Un certain retard.
Florian Teichtmeister et Vicky Krieps
Réduite à paraître plutôt qu’à être, l’épouse de l’empereur François-Joseph s’astreint à un régime draconien pour perpétuer l’image de perfection que la société de 1877 attend d’elle. Une discipline de fer qui passe par un entretien maniaque de son apparence, à travers des périodes de jeûne, des exercices contraignants et un temps considérable consacré à se pomponner pour la galerie. Ces rituels destinés à la galerie, donc par extension à la postérité, Marie Kreutzer les met en scène avec un souci du détail de tous les plans, mais non sans une ironie mordante. Elle s’en remet par ailleurs à la composition prodigieuse de Vicky Krieps, actrice décidément tout-terrain qui n’est jamais dupe de l’archétype qu’elle incarne. Une impératrice qui arbore le sourire complice d’une adolescente fumant en cachette et la détermination d’une rebelle lasse de jouer les potiches pour la galerie, mais parfaitement consciente du fait qu’elle trône au centre d’un monde dont les jours sont d’ores et déjà comptés. Au-delà de son ton joyeusement persifleur, Corsage s’impose comme le portrait d’une femme en avance sur son époque qui prend le parti de bousculer les conventions pour imposer une modernité à laquelle ce vêtement oppose un frein symbolique par les contraintes qu’il implique.
Jean-Philippe Guerand
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