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“Chœur de rockers” d’Ida Techer et Luc Bricault



Film français d’Ida Techer et Luc Bricault (2022), avec Mathilde Seigner, Bernard Le Coq, Anne Benoît, Andréa Ferréol, Brigitte Roüan, Myriam Boyer, Patrick Rocca, Armelle Deutsch, Guillaume Marquet, Zoe Garcia… 1h31. Sortie le 28 décembre 2022.



Mathilde Seigner



Le Feel Good Movie (littéralement “film qui fait du bien”) est désormais devenu un genre à part entière dont l’une des particularités est de vampiriser tous les autres, ne serait-ce qu’en lui appliquant le ton de la comédie. Reste que les grands sentiments n’inspirent pas toujours les meilleurs films, loin de là. Chœur de rockers s’attache à un groupe de personnes du troisième âge qui participent sans véritable conviction à une chorale, sous la direction d’une chanteuse dans le creux de la vague. Là où le directeur de la maison de retraite s’attend à un répertoire pour thés dansants, ses pensionnaires affirment leur détermination en répétant en douce des standards du rock qui a bercé leur jeunesse au fond pas si lointaine. Le postulat est limpide, son traitement plutôt facétieux. Avec à la clé pour ces retraités déterminés une sorte de dépassement de soi qui s’exprime haut et fort à travers la musique et le chant. D’un esprit convivial devenu un véritable phénomène de société, Chœur de rockers tire une fable bienveillante animée par des acteurs particulièrement en verve, face à un monde qui n’apprécie au fond le vieillissement que s’il consiste à s’effacer du décor et à… laisser la place aux jeunes. La distribution joue avec habileté de la spécificité des “natures” qu’elle associe, sans chercher à uniformiser le troisième âge de façon artificielle. Avec cette caractéristique humaine corrélative que les retraités ainsi rassemblés arbitrairement n’ont bien souvent en commun que leur âge et le fait d’être mis à l’écart de la société traditionnelle sous couvert de jeunisme tous azimuts.



Bernard Le Coq (au centre)



Derrière la fable affleure une observation sociale pertinente qui nous questionne tous sur le sort que nous réservons à nos seniors en les renvoyant le plus souvent arbitrairement à l’esprit grégaire de cet âge tendre où les gamins se côtoient sur les bancs de l’école sans en avoir exprimé le souhait. Comme si les vertus du groupe étaient de nature à se substituer à l’individualité conférée aux adultes à la façon d’un privilège exclusif Chœur de rockers prend ce postulat à rebours pour montrer une chorale de retraités comme un havre de liberté au sein de cette fin de vie trop ordonnée. Avec en son sein un panel représentatif de notre société que son esprit frondeur de bon aloi incite à préférer interpréter des standards du rock qu’un répertoire pour… maisons de retraite. Cette histoire s’avère d’autant plus savoureuse qu’elle est inspirée de l’aventure authentique des Salt and Pepper, une chorale formée à Dunkerque en 2010 par des seniors bien décidés à partager leur passion en devenant des bêtes de scène. Des rôles interprétés dans le film par des comédiens aussi exubérants qu’Anne Benoît, Andréa Ferréol, Brigitte Roüan, Myriam Boyer ou Bernard Le Coq, sous la houlette de la toujours exubérante Matilde Seigner et la direction attentionnée des réalisateurs Ida Techer et Luc Bricault, lesquels ont le bon goût de s’effacer derrière leur sujet qu’ils abordent avec autant d’enthousiasme que d’empathie. Pour un plaisir éminemment communicatif.

Jean-Philippe Guerand







Brigitte Roüan, Patrick Rocca et Myriam Boyer

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