Documentaire français de Frédéric Chaudier (2022) 1h52. Sortie le 30 novembre 2022.
Réduit aujourd’hui médiatiquement à une journée annuelle, le sida est loin d’être éradiqué. C’est ce qu’entend montrer le documentaire de Frédéric Chaudier à travers un état des lieux édifiant qui montre que non seulement le combat contre le virus n’est pas terminé, mais qu’il se heurte parfois à des obstacles où le scientifique doit se soumettre à des impératifs politiques, économiques, sociaux ou même religieux qui relèvent parfois de la pure stratégie. Comme le souligne justement son titre, (R)évolution sida décrypte les véritables enjeux soulevés par cette pandémie dévastatrice à un moment de notre histoire où le Covid-19 cristallise tous les efforts de la planète sur le plan sanitaire, quitte à engendrer des remous géopolitiques imprévus. Le constat est sans appel : face à un fléau mondial qui a marqué un tournant au cours des dernières années du XXe siècle en tordant le cou à l’utopie soixante-huitarde de l’amour libre, celles et ceux qui combattent cette “maladie de l’amour” avancent dans un ordre de plus en plus dispersé et menacent par leur division une croisade qui semblait déjà d’une autre époque. Une réflexion déjà amorcée dans un documentaire américain présenté en séance spéciale au festival de Cannes 2019, mais malheureusement jamais diffusé à ce jour dans les salles françaises, 5B de Dan Krauss.
Le parti pris de (R)évolution sida est d’embrasser son sujet d’un point de vue international, tant la problématique peut revêtir des aspects divers en fonction des territoires et des civilisations. Le film part d’un constat sans appel énoncé d’entrée de jeu : le département de l’Onu qui gère cette question estime de trente-quatre à quarante-quatre millions (mais sans doute bien davantage) le nombre de malades porteurs du VIH… dont une moitié n’a pas accès aux soins. Un chiffre qui atteint dix pour cent parmi la population sud-africaine et risque d’entraîner une prochaine recrudescence de l’épidémie sur l’ensemble du continent. Aux grands maux, les grands remèdes. En Russie (d’avant l’invasion de l’Ukraine), à l’instigation de la toute puissante église orthodoxe, les autorités ont choisi d’écarter les populations contaminées, pour à terme les éliminer dans un revival tragique du fameux “Pavillon des cancéreux” d’Alexandre Soljenitsyne, sur fond d’homophobie institutionnalisée. En Chine, le don du sang (qui permet aux plus démunis de gagner un peu d’argent) est devenu une source de contamination majeure que ne cherche à freiner aucune des institutions étatiques, pourtant promptes à confiner aujourd’hui des millions de personnes dès que surgit un cas positif de Covid-19. La force du film de Frédéric Chaudier consiste à souligner à quel point la lutte contre le sida répond à des objectifs politiques et sociaux déconnectés de la situation purement sanitaire. C’est le reflet d’un monde incapable de s’unir, y compris en faveur d’une cause humanitaire fondamentale.
Jean-Philippe Guerand
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