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“Reste un peu” de Gad Elmaleh



Film français de Gad Elmaleh (2022), avec Gad Elmaleh, Régine Elmaleh, David Elmaleh, Judith Elmaleh, Delphine Horvilleur, Jérémie Dethelot, Roschdy Zem, Nicolas Port… 1h30. Sortie le 16 novembre 2022.



Régine Elmaleh, Gad Elmaleh et David Elmaleh



Gad Elmaleh a pâti d’une infâmie toute relative lorsqu’il s’est avéré que certains de ses sketches avaient été généreusement nourris d’emprunts à certains comiques américains, pratique illicite qui a éclaté au grand jour lorsque l’humoriste a commis l’imprudence d’aller les jouer aux États-Unis et de voir ainsi ses turpitudes exposées, sous l’effet de sa pure vanité. Ce n’est plus désormais qu’un mauvais souvenir pour ses fans. Gad Elmaleh donne aujourd’hui l’impression de vouloir se refaire une virginité avec Reste un peu, son nouvel opus en tant que réalisateur, treize ans après Coco, dont il constitue en quelque sorte l’antithèse. Un projet résolument atypique autour duquel il a réuni sa garde rapprochée et quelques invités prestigieux. Le rôle qu’il incarne est le sien, ses parents et sa sœur tenant les leurs avec un naturel désarmant. À l’image de la douceur de son titre, Reste un peu est une chronique atypique dans laquelle notre héros est frappé par la foi, sans vraiment arriver à s’y retrouver, face au poids d‘une tradition familiale qui a baigné parmi une société marocaine que continue à caractériser son œcuménisme atypique. D’où une série d’interrogations mystiques et existentielles qui va passer par quelques épreuves de vérité déterminantes. D’emblée, le film nous saisit par sa quotidienneté et son refus des effets. Le comique cherche d’autant moins à se cacher derrière son personnage qu’ils ne fait qu’un avec le plus intime des alter egos. En se confrontant aux siens, il rend les armes au risque de se perdre et joue sur un effet de réalité très troublant. Comme pour se faire pardonner ses fautes passées… dont il n’est d’ailleurs jamais question. Son propos est plus ample et n’entend pas se limiter à son cas personnel. Il y est aussi question d’un juif d’origine marocaine fasciné par la figure de la Vierge Marie…



Gad Elmaleh



Reste un peu est une sorte de réflexion introspective sur la foi dans laquelle Gad Elmaleh s’expose à notre regard à travers sa vulnérabilité. Son film est l’aboutissement d’une démarche placée sus le double signe de la sincérité et de l’authenticité. Il ne cherche jamais à jouer au plus malin avec des contingences qui le dépassent, mais interpelle constamment les siens sur leur rapport traditionnel à Dieu qui passe avant tout par le respect de certaines coutumes qui donnent lieu à des réunions de famille joyeuses dont la religion s’est peu à peu éloignée. La démarche de Gad Elmaleh s’appuie sur son humilité. Jamais le comique ne cherche à se réfugier derrière des grands discours ou des théories fumeuses. Il se contente d’accepter son sort, tout en questionnant son entourage quant à son identité familiale dans un monde contemporain où le schisme de plus en plus profond qui sépare les croyants des agnostiques et des païens, quitte à entraîner parfois la radicalisation des prosélytes en fanatiques sinon en fous de Dieu. Tel n’est pourtant pas le propos de ce film étranger à toute radicalisation qui montre simplement un homme d’aujourd’hui en proie à des questionnements élémentaires. Une quête mystique aussi sincère que déroutante que nourrissent la présence lumineuse du rabbin Delphine Horvilleur, du père Barthélémy et du talmudiste Pierre-Henry Salfati, qui fut naguère lui-même un cinéaste prometteur.

Jean-Philippe Guerand








Gad Elmaleh et le Père Barthélémy

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