Good Luck To You, Leo Grande Film britannique de Sophie Hyde (2022), avec Emma Thompson, Daryl McCormack, Les Mabaleka, Lennie Beare, Carina Lopes, Charlotte Ware, Isabella Laughland… 1h37. Sortie le 30 novembre 2022.
Daryl McCormack et Emma Thompson
Un jeune homme et une enseignante retraitée se retrouvent dans une chambre d’hôtel où elle éprouve le besoin de dresser une sorte d’état des lieux de sa vie et de ce corps en friche dont n’a joui jusque-là qu’un seul homme : feu le mari de madame. Prétexte à un huis clos qui échappe à tous les clichés. Le bel amant tarifé a le sens de l’écoute, sa partenaire un besoin viscéral de déverser tout ce qu’elle a sur le cœur, de préférence à un inconnu qui se garde bien de la juger et qu’elle ne reverra plus jamais. Dès lors, sa confession devient universelle et nous submerge par l’empathie de ces deux inconnus qui ne commenceront à se dénuder qu’après avoir parlé à cœur ouvert. Comme si ce striptease psychologique à deux voix constituait la condition sine qua non de leurs ébats amoureux à venir… Ce type de situation constitue une sorte de figure imposée de la littérature, du théâtre et du cinéma. À cette nuance près que les conventions dominantes associent plutôt une jeune femme à un homme beaucoup plus âgé. La singularité du scénario imaginé par Katy Brand consiste à inverser ce postulat en s’attachant à un personnage que le cinéma a une fâcheuse tendance à écarter de son champ de vision : la femme mûre. Un emploi qui contraint beaucoup d’actrices à se retirer des plateaux une fois la cinquantaine advenue pour ne réapparaître parfois après une longue éclipse que pour tenir des emplois de vieilles dames plus ou moins indignes. Mes rendez-vous avec Leo brise en cela un sacré tabou et reflète notre époque avec une grande justesse.
Emma Thompson et Daryl McCormack
Un tel projet nécessitait une femme pour le mener à bien, en prenant la mesure véritable de ses enjeux. Sophie Hyde s’y est employé avec talent, malgré la double contrainte que représentaient des dialogues évidemment très écrits et un postulat fondé sur la rencontre de deux acteurs que tout semblait séparer. Avec à la clé le risque que constitue un tel dispositif quand il associe à une interprète consacrée un partenaire beaucoup moins aguerri. Pas question non plus de surcharger les dialogues de mots d’auteur ou de sentences existentielles définitives. Cette confrontation intime ne fonctionne que parce que la mise en scène projette en quelque sorte le spectateur dans les bras de ce couple qui va apprendre à se connaître pour mieux s’aimer. Entre cette veuve plutôt joyeuse et cet escort boy compatissant s’établit une relation qui ressemble à dessein à celle d’une patiente avec son psy. Avec à la clé l’étreinte et la jouissance considérées comme un aboutissement ultime et sans lendemain. Un thème qui évoque irrésistiblement celui d’un autre film : Une liaison pornographique (1999) de Frédéric Fonteyne interprété par Nathalie Baye et Sergi López. Avec cette variante fondamentale de la différence d’âge qui confère à Mes rendez-vous avec Leo une modernité qui ne doit pourtant rien à la mode. Emma Thompson et Daryl McCormack donnent un sacré coup de jeune à la comédie sentimentale en collant à notre époque, sans pour autant en accumuler les signes extérieurs trop marqués. C’est une alternative joyeuse aux romances conventionnelles et un sacré coup de jeune apporté au genre sans doute le plus codifié qui soit.
Jean-Philippe Guerand
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