Maixabel Film espagnol d’Icíar Bollaín (2021), avec Blanca Portillo, Luis Tosar, Urko Olazabal, Maria Cerezuela, Tamara Canosa, Maria Jesús Hoyos, Arantxa Aranguren, Bruno Sevilla, Mikel Bustamante, Miguel Garcés… 1h56. Sortie le 9 novembre 2022.
Le terrorisme est généralement évoqué à travers des morceaux de bravoure motivés par un certain idéalisme. Son issue est en revanche beaucoup plus incertaine. Comme si l’orgueil interdisait aux combattants de mettre un terme officiel à leur engagement, lequel est souvent l’expression d’un idéalisme sincère mais désespéré. Connu sous son acronyme ETA, Euskadi Ta Askatasuna (littéralement “Pays basque et liberté”) a fédéré le ralliement des indépendantistes basques à l’idéologie marxiste-léniniste à partir de 1959, en prenant pour cible initiale le régime franquiste avant de se radicaliser entre 1968 et 2010, en multipliant les enlèvements crapuleux, les extorsions de fonds et les attentats meurtriers. Icíar Bollaín s’attache dans son nouveau film à l’adieu aux armes de ce mouvement, à travers l’histoire méconnue de ses derniers soldats perdus qui ont eu le courage d’assumer leurs responsabilités et de s’amender de leurs fautes dans une volonté courageuse d’apaisement. Le tout à l’initiative d’une femme hors du commun, Maixabel Lasa, la veuve courageuse d’un homme politique assassiné par l’organisation terroriste en l’an 2000, qui a accepté de rencontrer son meurtrier, non pas pour lui pardonner mais pour essayer de comprendre son geste.
Luis Tosar
Ce sujet, la réalisatrice Icíar Bollaín, souvent associée par le passé à son mari Paul Laverty, le fidèle complice de Ken Loach depuis Land and Freedom (1995), le doit à la suggestion d’Isa Campo avec laquelle elle collabore pour la première fois. Les repentis est le récit d’une sorte de rédemption qui passe par la confrontation douloureuse des bourreaux avec celles et ceux qu’ils ont privés d’un être cher. Une démarche d’apaisement nécessaire qui constitue un premier pas vers le pardon, mais n’en représente toutefois qu’une étape intermédiaire. La réalisatrice fait appel pour cela à deux comédiens qui habitent littéralement leurs rôles : Blanca Portillo, vue souvent chez Pedro Almodóvar et à qui sa composition a valu le Goya de la meilleure actrice, et Luis Tosar, quant à lui lauréat à trois reprises de cette récompense entre 2003 et 2010, notamment pour Ne dis rien de la même Icíar Bollaín, en 2004. Il excelle sur le registre le plus difficile qui soit : celui du personnage cadenassé en lui-même qui va devoir produire un effort considérable pour aller à l’encontre de sa nature profonde et s’extirper de l’isolement sans issue auquel l’ont condamné ses crimes. Ce sont les démarches inverses de ces deux protagonistes auxquelles s’attache la mise en scène, en décrivant ce processus si complexe et pourtant si peu spectaculaire comme le trajet incontournable qui mène à la possibilité du pardon. Telle est la grandeur de ce film dont la subtilité psychologique de tous les instants ne donne pourtant lieu à aucun morceau de bravoure artificiel et progresse sur un fil tendu à l’extrême. Sinon peut-être à la fin, à travers ce pique-nique anodin entre amis qui en constitue l’aboutissement ultime.
Jean-Philippe Guerand
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