Film français de Roschdy Zem (2022), avec Roschdy Zem, Maïwenn, Sami Bouajila, Meriem Serbah, Rachid Bouchareb, Abel Jafri, Nina Zem, Carl Malapa, Anaïde Rozam, Lila Fernandez… 1h25. Sortie le 23 novembre 2022.
Roschdy Zem et Sami Bouajila
C’est une famille comme les autres dont le grand homme est un présentateur de télévision à succès que l’un de ses frères défend bec et ongles depuis toujours, face à celles et ceux qui considèrent qu’il manque à ses devoirs les plus élémentaires vis-à-vis d sa tribu méditerranéenne. Le jour où son protecteur est victime d’un traumatisme crânien consécutif à une chute, son caractère s’en trouve profondément affecté. Lui qui était la gentillesse incarnée se met à manifester des réactions imprévisibles et à dire tout haut ce que beaucoup pensaient jusqu’alors tout bas. Les miens est une variation caustique autour du jeu de la vérité appliquée à une famille presque comme les autres. On reconnaît dans ce sujet corrosif la patte de Maïwenn qui en a écrit le scénario avec Roschdy Zem. Le film nourrit d’ailleurs pas mal de connivences avec la dernière réalisation de celle-ci, ADN. À commencer par ce sens de la famille méditerranéen qu’un incident de parcours vient remettre en question dans une sorte de réflexe de survie élémentaire où les langues se délient et où les vieilles rancœurs s’expriment enfin au grand jour. En se concentrant sur cette cellule fondamentale, Les miens s’en remet à des interprètes d’une rare justesse dont la complicité doit autant à la vie réelle qu’au cinéma. Loin de chercher à briller, Roschdy Zem assume le risque d’incarner celui par qui le scandale arrive, sans jamais se défiler devant ses responsabilités d’homme.
Meriem Serbah, Maïwenn et Abel Jafri
Dans un élan de masochisme qui est souvent le fait des acteurs qui deviennent réalisateurs sans chercher à se donner le beau rôle, en fait les plus rares mais aussi les plus précieux, Roschdy Zem endosse le plus ingrat : celui du fils prodigue à qui tout a réussi, mais qui a fini par en perdre de vue l’essentiel, à savoir qu’il est un modèle pour sa famille toute entière qui le lui rend bien par son soutien inconditionnel. Avec aussi ce frère aîné qu’il a choisi de faire interpréter par Rachid Bouchareb, un réalisateur qui lui a valu, ainsi qu’à Sami Bouajila et trois autres acteurs, un prix d’interprétation masculine collectif à Cannes pour Indigènes, en 2006. C’est dire la symbolique que représente ce casting et la crédibilité de ces trois frères dont l’un devient d’un coup un terrible révélateur de certains dysfonctionnements trop longtemps niés par les uns et les autres afin de sauvegarder les fondations fissurées de cette famille qui s’aveugle depuis trop longtemps dans le déni. Plus qu’un hymne vibrant à la famille, Les miens est une étude de mœurs subtile et parfois cinglante qui souligne le poids des non-dits et le danger que fait peser leur accumulation sur une communauté qui a renoncé à exprimer ce qu’elle a sur le cœur. Au point de devenir otage de ses non-dits assourdissants. Avec ce film indéniablement plus intime que ses précédentes réalisations, Roschdy Zem fend l’armure en ouvrant un nouveau chapitre qui pourrait le mener loin, si toutefois il poursuit ce jeu de la vérité avec autant de sincérité et aussi peu d’atermoiements.
Jean-Philippe Guerand
Rachid Bouchareb et Roschdy Zem
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