Film français de Julien Rambaldi (2022), avec Eye Haïdara, Ahmed Sylla, Léa Drucker, Vidal Arzoni, Élodie Navarre, Marc Zinga, Bwanga Pilipili, Jisca Kalvanda, Pascal Reneric, Louis-Do de Lencquesaing, Assouma Sow, Annabelle Lengronne… 1h45. Sortie le 16 novembre 2022.
Ahmed Sylla et Eye Haïdara
La comédie est un genre qui ne réussit à atteindre à l’universalité que lorsqu’il s’ancre solidement dans le réel. Comme si le rire avait besoin d’un fond de vérité sinon d’authenticité pour décupler ses effets et sensibiliser le public le plus large possible à une cause, aussi juste soit-elle. C’est ce qu’a parfaitement compris Julien Rambaldi avec Les femmes du square dont il a écrit le scénario avec Jean-Luc Gaget, qui fut le partenaire de prédilection de la regrettée Sólveig Anspach. Les deux compères y explorent le quotidien de ces nounous qui apportent aux gosses de riches ce que l’argent ne peut pas acheter : l’attention et parfois l’affection que leurs parents n’ont même plus le loisir de leur témoigner. Parmi celles-ci, Angèle, une Ivoirienne contrainte de s’acquitter de sa dette auprès d’une bande de malfrats dépourvus d’états d’âme, qui accepte de s’occuper d’Arthur un gamin de 8 ans que la séparation de ses parents a poussé à se recroqueviller sur lui-même pour ruminer son chagrin. Au contact de cette femme pleine de bon sens, l’un et l’autre vont se transcender en se découvrant des points communs pour le moins inattendus. Jusqu’au moment où un jeune avocat ambitieux va donner un coup de main déterminant à ces nounous exploitées par des patrons dépourvus de scrupules qui abusent de la précarité de leur situation.
Vidal Arzoni et Eye Haïdara
D’un phénomène de société plutôt répandu, Rambaldi tire une comédie de mœurs qui réussit à être à la fois généreuse et offensive, en s’appuyant pour cela sur une distribution impeccable. Affirmer qu’Eye Haïdara est une véritable nature rend compte de façon très approximative de son tempérament dont le tandem Nakache-Toledano avait été le premier à mettre en évidence le tempérament volcanique dans Le sens de la fête, puis la deuxième saison de la série “En thérapie”. Comme quoi il suffit bien souvent d’un rôle bien écrit pour donner à son interprète les moyens d’exprimer sa démesure en se surpassant. D’un sujet très sérieux (l’exploitation par certaines professions d’un personnel corvéable à merci mais dépourvu de toute protection sociale), Les femmes du square extrait une comédie douce-amère telle que s’en était fait une spécialité Coline Serreau, où le rire prend appui sur une étude de mœurs solidement argumentée. Julien Rambaldi appuie là où ça fait mal en se plaçant résolument sur un plan humain. L’unité de ses protagonistes vient de la conjonction de leurs problèmes personnels. Comme si l’adversité était unique. Avec ce point de ralliement que constitue cet avocat aux dents longues qui voit dans la cause commune de ces nounous exploitées par leurs employeurs une occasion de briller au prétoire à travers cette fameuse image du pot de terre contre le pot de fer. Un rôle tenu par Ahmed Sylla, décidément habile sur tous les registres, à commencer par le plus subtil que lui offre ce film généreux. Parmi le paysage foisonnant mais plutôt sinistré de la comédie française que la pandémie de Covid-19 a rendu omniprésent jusqu’à l’écœurement, Les femmes du square confirme l’existence d’une alternative ô combien plus intéressante. Il revient désormais au public de lui accorder le succès populaire qu’elle mérite pour élever les débats.
Jean-Philippe Guerand
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