Film français d’Émilie Frèche (2022), avec Benjamin Lavernhe, Julia Piaton, Bruno Todeschini, Catherine Hiégel, Luna Bevilacqua, Hakim Jemili, Youssouf Gueye, Sacha Bejaoui, Éléonore Bernheim, Arthur Benzaquen, Ludivine de Chastenet… 1h38. Sortie le 16 novembre 2022.
Benjamin Lavernhe et Julia Piaton
Parce qu’il a percuté un adolescent traqué par la police à proximité de la frontière franco-italienne, un montagnard va voir son destin basculer dans l’inconnu en ouvrant les yeux sur la tragédie dont sa région est devenue le théâtre : la longue marche des migrants vers une terre d’accueil hospitalière. Au contact de cet indésirable dont le seul tort est d’avoir quitté son pays, il va prendre sur lui de s’élever contre le système, quitte à assister à la radicalisation de certains de ses proches face à la menace illusoire que feraient peser ces laissés-pour-compte sur leur tranquillité et leur bonne conscience de nantis. S’engage alors une course poursuite à l’issue incertaine sur fond de désobéissance civile et d’engagement citoyen… Dans ses livres comme aujourd’hui dans son premier long métrage, Émilie Frèche semble mue par une insatiable soif de justice et d’humanité. Elle s’attache ici à une problématique que vivent quotidiennement les frontaliers, mais que les médias traditionnels semblent avoir renoncé à aborder en tant que phénomène de société à part entière. Peut-être parce qu’elle induit des réflexions qui dérangent quant à notre capacité à remplir notre vocation de pays d’accueil sinon de transit, en illustrant une devise nationale mise à mal : Liberté Égalité Fraternité.
Benjamin Lavernhe et Julia Piaton
Les engagés s’attache à ces frontières effacées par l’Union Européenne et l’espace Schengen qui concentrent l’attention de tous les migrants. Comme si toute la misère du monde venait se fracasser contre un mur invisible constitué d’hommes en bleu : douaniers, gendarmes et autres fonctionnaires de police. Face à ces “gardiens de l’ordre”, ces voyageurs venus parfois du bout du monde au terme d’un périple à haut risque dont la France n’est souvent qu’une étape transitoire vers l’Espagne et la Grande-Bretagne, peuvent parfois compter sur la simple humanité de quelques autochtones. C’est à cette main tendue que s’attache Émilie Frèche en décrivant la réaction simplement humaine d’un couple dans ce qui constitue son quotidien et auquel Benjamin Lavernhe et Julia Piaton apportent toute leur humanité sans ostentation. Cinéma oblige, la réalisatrice se croit toutefois obligée de pimenter son scénario d’une chasse à l’homme rocambolesque qui détonne avec la rigueur de son propos. Comme s’il s’agissait du prix à payer pour que son film accorde une concession commerciale rassurante au cinéma spectacle. La puissance de son sujet ne le nécessitait assurément pas. Mieux aurait valu respecter cette particularité du cinéma anglo-saxon que le grand John Ford résumait en substance lorsqu’il préconisait de laisser le soin de délivrer les messages… aux services postaux. Aussi généreux soit-il, celui qui sous-tend Les engagés s’accommode mal d’un procédé aussi grossier. Mais ce n’est là que péché de jeunesse. C’est bel et bien dans son sujet que réside sa noblesse, aussi criantes puissent être ses maladresses.
Jean-Philippe Guerand
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