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“Le serment de Pamfir” de Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk



Pamfir Film ukraino-français de Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk (2022), avec Oleksandr Yatsentyuk, Stanislav Potiak, Solomiya Kyrylova, Olena Khokhlatkina, Miroslav Makoviychuk, Ivan Sharan… 1h42. Sortie le 2 novembre 2022.



Oleksandr Yatsentyuk



De retour au bercail après des mois d’absence, Pamfir se trouve confronté aux conséquences de l’insigne imprudence de son fils. En s’efforçant de réparer les pots cassés, il va se retrouver obliger de gérer une situation pour le moins délicate afin d’éviter à sa famille le déshonneur et la déchéance. L’action prend pour cadre un village ukrainien à proximité de la frontière roumaine sous la coupe des contrebandiers et des trafiquants. Tout à sa joie de retrouver les siens, Pamfir ne remarque pas les nuages qui s’amoncellent au-dessus de sa tête et menacent ce qu’il a de plus cher, sa famille. Il préfère savourer ses retrouvailles avec les siens et se déguiser en prévision du fameux carnaval de Malanka, un héritage culturel médiéval auquel s’accroche la population locale comme à une bouée perdue au beau milieu de l’océan de la mondialisation. Ce retour du père prodigue calqué sur le mythe d’Abraham est pour le réalisateur Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk l’occasion d’esquisser le portrait d’un colosse aux pieds d’argile que son absence prolongée condamne à assumer ses responsabilités afin de préserver ce qu’il a de plus cher et de se montrer digne de sa position de Pater Familias. Au risque de se perdre en volant au secours de son fils rattrapé par ses mauvaises fréquentations.



Oleksandr Yatsentyuk et Ivan Sharan



Contrairement aux chroniques réalistes qui nous sont parvenues d’Ukraine ces derniers mois dans lesquelles la guerre apparaît comme un thème obsessionnel, même si ce n’est pas celle consécutive à l’invasion russe qui fait rage aujourd’hui mais son prélude amorcé en 2014, Le serment de Pamfir repose sur un parti-pris esthétique assumé qui confine parfois au baroque le plus extraverti. C’est parce qu’il s’appuie sur un scénario bâti avec la rigueur métronomique d’une tragédie intemporelle que le premier long métrage de Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk, transfuge du documentaire qui a signé cinq courts de 2008 à 2018 dont le dernier, Weightlifter, a été primé au festival Premiers Plans d’Angers, peut s’autoriser des échappées fulgurantes rehaussées par une partition musicale à laquelle il assigne une fonction déterminante. Situé dans la région multi-ethnique de Tchernivtsi dont il est originaire, au cœur des Carpates, ce film soutenu par la Cinéfondation de Cannes évoque en cela un autre cinéaste de l’Est, le Serbe Emir Kusturica, en jouant de toute la panoplie sensorielle du septième art et tout en servant un propos puissant qui revêt une portée universelle. Il le doit aussi pour une bonne part à la personnalité de son interprète principal qu’il a mis deux ans à dénicher. Oleksandr Yatsentyuk s’impose par sa présence hors du commun et une carrure qui contraste avec sa profonde humanité.

Jean-Philippe Guerand






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