Film français de Christophe Honoré (2022), avec Paul Kircher, Juliette Binoche, Vincent Lacoste, Erwan Kepoa Falé, Adrien Casse, Pascal Cervo, Christophe Honoré, Anne Kessler, Eliott Jenicot, Lawa Fauquet, Matéo Demurtas, Antoine Matanovic… 2h02. Sortie le 30 novembre 2022.
Juliette Binoche et Paul Kircher
Christophe Honoré est passé maître dans l’art de dérouter. Au point de pratiquer le mélange des genres pour mieux affiner son style personnel. Le lycéen est sans doute à ce titre celui de ses opus où il s’approche au plus près de son autobiographie. Dans une petite ville de province, un adolescent subit de plein fouet son irruption dans l’âge adulte et la perte cruelle d’un être cher dont il ne mesure pas tout à fait les conséquences. À l’âge des possibles, il se précipite dans l’inconnu avec une inconscience de nature à lui faire perdre prématurément ses illusions de jeunesse… Cette histoire dans laquelle il a mis beaucoup de lui-même, la modernité en plus, Christophe Honoré la raconte du point de vue de son jeune héros, lui-même ayant choisi d’incarner son propre père à l’écran, comme pour s’acquitter d’une dette envers celui qui l’a laissé orphelin à l’orée de la vie adulte. Il a toutefois situé son film aujourd’hui et confié le rôle de son lycéen au fils prodigue de la comédienne Irène Jacob et du metteur en scène Jérôme Kircher, dont il exploite à merveille la maladresse et le sourire. Deux composantes qui lui permettent de lester le personnage campé par Paul Kircher d’un caractère où la séduction naît le plus naturellement qui soit de son absence de tabous. Avec à ses côtés ce frère aîné que campe un fidèle du cinéaste, Vincent Lacoste, aussi déroutant par ses cheveux oxygénés que par sa brusquerie à géométrie variable.
Paul Kircher, Vincent Lacoste et Erwan Kepoa Falé
Le lycéen est une sorte d’éducation sentimentale dont le personnage principal cherche moins à plaire qu’à séduire. Largué dans le grand bain de l’âge adulte, il prend tous les risques et va même au-devant du danger. Avec ce film qui devrait trouver sa place chronologique naturelle avant Les chansons d’amour (2007) et Plaire, aimer et courir vite (2018), Christophe Honoré poursuit une sorte d’autobiographie inversée dont la licence poétique la plus déroutante consiste à observer le passé à travers un regard résolument ancré dans notre époque. Comme pour mieux brouiller les cartes et se cacher derrière un personnage qu’il aime peut-être davantage que celui qu’il a vraiment été. C’est précisément là le jeu de l’autofiction de pouvoir parfois modifier des détails de sa vie, sans pour autant s’accorder systématiquement le beau rôle ni magnifier son passé dans l’espoir d’anticiper un avenir plus favorable. Honoré à une nette conscience du tour qu’il veut donner à son cinéma en s’attelant désormais aux œuvres de la maturité et sans s’astreindre à dépasser la limite de péremption dont il considère qu’aucun cinéaste ne devrait s’affranchir à l’ignorer et que tous seraient bien inspirés de savoir s’arrêter quand l’inspiration vient à se tarir. Le lycéen ouvre donc peut-être une nouvelle ère dans sa carrière par sa prise de risque et sa désinhibition revendiquées qui nous touchent comme jamais.
Jean-Philippe Guerand
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