Documentaire français de Valentine Varela (2020), avec Christine Marcy-Covo, Maureen Royer, Emmanuel Melmoux, Catherine Hermet, Isadora Lorin-Collin, Isabelle Hetzguer… 1h31. Sortie le 23 novembre 2022.
On ne compte plus les films consacrés à notre système éducatif. Comme si c’était dans ce laboratoire de la société de demain que se façonnait son futur portrait-robot. La fiction qui a longtemps prêté à en rire s’est quelque peu assagie au contact du réel, malgré le succès de ces potaches d’un autre âge que sont le Petit Nicolas et l’élève Ducobu, régulièrement plébiscités par les jeunes spectateurs qui se satisfont de leurs facéties dérisoires et plutôt inoffensives. Résultat, aujourd’hui, la cour de récréation est devenue une sorte de laboratoire microcosmique où naissent les tensions qui se cristalliseront par la suite. Comme si la vie scolaire tenait encore lieu d’utopie sociétale… La fiction a toutefois supplanté le documentaire et l’on serait bien en peine de trouver un digne successeur à Jean-Michel Carré qui en fit son thème de prédilection dans la France post-soixante-huitarde à travers des films tels qu’Alertez les bébés (1978) ou Votre enfant m’intéresse (1981). Observer les élèves d’aujourd’hui, c’est pourtant cerner les citoyens du futur. Partant de ce principe, la réalisatrice Valentine Varela a passé une année dans une classe de seconde du lycée Émile Dubois dans le quatorzième arrondissement de Paris où les élèves partagent une obsession : passer en filière générale afin de ne pas hypothéquer leur avenir et échapper aux effets dévastateurs d’un déterminisme social qui reste plus que jamais une réalité malgré la grande illusion du bac pour tous. Tout cela sous le regard vigilant et le plus souvent bienveillant d’une équipe pédagogique qui assume ses responsabilités coûte que coûte.
La générale est un film passionnant par la façon dont certains de ses protagonistes s’emparent peu à peu des premiers rôles. À commencer par une enseignante qui s’apprête à partir à la retraite, mais n’a rien perdu de son enthousiasme et de sa détermination, et une gamine pour le moins rebelle qui déborde davantage d’énergie que de discipline et va devoir s’assagir pour parvenir au bout de ses ambitions. La force de ce film réside dans sa capacité à laisser certains de ses personnages s’imposer par rapport à d’autres, en mettant le spectateur dans la position exacte du professeur. La prise de parole y devient dès lors un enjeu déterminant. Comme une sorte de manifestation spontanée de la loi du plus fort. Avec pour gardes-fous des enseignants qui refusent de baisser la garde, mais essaient tant bien que mal de réguler ce flux désordonné. À une époque où l’éducation est devenue une problématique déterminante d’une société française en mal de repères fiables, ce documentaire a l’insigne mérite de lui rendre son rôle primordial, en célébrant le dévouement des enseignants confrontés à des adolescents turbulents et parfois frondeurs en qui ils ont l’audace de s’acharner à discerner des talents en devenir, parfois même à l’insu de ceux qui les possèdent, mais ne s’adaptent pas toujours aux contraintes du système scolaire. À l’instar de cette jeune fille toujours prompte à s’exprimer de façon intempestive en qui certains de ses enseignants ne perçoivent que de l’insolence, laquelle s’avère au fond très représentative de sa génération biberonnée à la téléréalité et aux réseaux sociaux, mais dépourvue des codes élémentaires de la vie en société. L’expérience est édifiante.
Jean-Philippe Guerand
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