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“Fumer fait tousser” de Quentin Dupieux



Film français de Quentin Dupieux (2022), avec Gilles Lellouche, Vincent Lacoste, Anaïs Demoustier, Jean-Pascal Zadi, Oulaya Amamra, David Marsais, Adèle Exarchopoulos, Grégoire Ludig, Doria Tillier, Jérôme Niel, Blanche Gardin, Anthony Sonigo, Benoît Poelvoorde… 1h20. Sortie le 30 novembre 2022.



Vincent Lacoste et Oulaya Amamra



Dans un avenir proche mais indéterminé, une escouade de super-héros se trouve confrontée à des ennemis imprévisibles et protéiformes auxquels elle oppose une intrépidité à toute épreuve dans les circonstances les plus extrêmes, lorsqu’il s’agit d’exercer les ordres d’un supérieur énigmatique aux allures d’ectoplasme. À l’origine de ce sujet saugrenu, qu’on croirait sorti de l’esprit d’un scénariste de série B contraint de compenser des moyens limités par les seules vertus de son imagination, se trouve une personnalité résolument atypique du cinéma français, Quentin Dupieux. Un franc-tireur armé d’un humour de destruction massive qui ne doit rien à personne (il cumule à lui seul l’image, la musique et le montage, outre l’écriture et la réalisation) et ne cesse de repousser film après film les rivages insoupçonnés de la comédie hexagonale pour l’entraîner jusqu’aux confins du nonsense anglo-saxon avec un sens de l’absurde qui confine parfois au surréalisme. Au point de parer ses films de titres qui n’en reflètent pas toujours la folie. C’est le cas de Fumer fait tousser qui détourne une consigne figurant en évidence sur les paquets de cigarettes à la plus improbable des mises en boîte des Power Rangers et autres justiciers en combinaisons acryliques condamnés par leur lave-linge au régime synthétique. Des super-héros à la petite semaine menacés par leur propre ringardise.



Gilles Lellouche



Quelques mois après l’étonnant Incroyable mais vrai qui jouait sur un concept résolument surréaliste, Dupieux signe une succession de sketches plus ahurissants les uns que les autres autour de la démobilisation d’une escouade de super-héros valeureux mais au bout du rouleau. Le réalisateur a mobilisé une joyeuse équipe et flirte parfois franchement avec l’absurde à travers des sketches pour la plupart savoureux et parfois déroutants. Il se démarque en cela de la tradition française et s’offre une sorte d’anthologie où il est fortement recommandé de renoncer au cartésianisme traditionnel et de succomber à ces vagabondages parfois extravagants en joyeuse compagnie. Film après film, Dupieux s’aventure dans un univers où règne une absurdité qui flirte avec le non-sens le plus extrême. À l’instar de cette créature reptilienne qui communique ses ordres par la voix familière d’Alain Chabat, mais affiche l’apparence déconcertante d’une peluche de stand de tir et témoigne des effets secondaires d’une libido démesurée. À l’instar de son titre, Fumer fait tousser adopte la stratégie de la disruption permanente, en s’aventurant dans des extrêmes que n’a pas investis notre tradition depuis au moins… Drôle de drame (1937) écrit par Jacques Prévert pour Marcel Carné. Dupieux entrebâille là une porte pleine de promesses qui ouvre de véritables perspectives à la tradition d’une comédie française au bout du rouleau.

Jean-Philippe Guerand






Vincent Lacoste, Jean-Pascal Zadi

Gilles Lellouche et Oulaya Amamra

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