Film mexicain de Diana Cardozo (2021), avec Gael Vázquez, José Antonio Becerril, Yoshira Escárrega, Lourdes Elizarras, Margarita Hernandez… 1h29. Sortie le 9 novembre 2022.
Si l’un des rôles du cinéma consiste à prendre le pouls de la société qui l’engendre, tous les pays ne sont pas égaux. Loin de là. Parmi ce paysage, le Mexique est assurément un cas d’espèce dont la violence devenue endémique ne cesse de nourrir l’imagination des réalisateurs locaux depuis déjà plusieurs décennies, les meilleurs d’entre eux ne s’étant installés à Hollywood que pour avoir les moyens d’aller au bout de leurs rêves les plus fous. Un phénomène qui a déjà valu cinq Oscars du meilleur réalisateur en l’espace de six ans à Alfonso Cuarón, pour Gravity en 2014 et Roma en 2019, Alejandro González Iñárritu, pour Birdman en 2015 et The Revenant en 2016, et Guillermo del Toro pour La forme de l’eau en 2018. Quant à ceux qui ont choisi de rester au Mexique, ils sont loin de démériter, à l’instar de la réalisatrice Diana Cardozo, d’origine uruguayenne, qui signe avec Estación catorce une chronique solidement ancrée dans cette société rongée par la sauvagerie et en proie aux cartels de la drogue qu’elle a choisi d’observer à travers le regard d’un gamin presque comme les autres. Le jour où un incendie criminel se déclenche dans son village jusqu’alors préservé et où l’armée investit les lieux, Luis, 7 ans, va grandir à l’accéléré et quitter les rivages de l’enfance pour une immersion précipitée dans une autre réalité, parce qu’il a assisté à une tragédie ordinaire, et cela même alors qu’il ne sait rien de ces événements qui bouleversent la quiétude locale.
Gael Vázquez et José Antonio Becerril
Cette chronique située dans une province mexicaine isolée met en scène l’irruption soudaine de la violence et la perte de l’innocence qu’elle entraîne chez un gamin dont l’un des jeux favoris consiste à conjurer sa propre peur. Avec pour défi de rester le plus longtemps possible au beau milieu des rails à l’approche d’un de ces trains de marchandise chargés de containers qui traversent ce village sans jamais s’arrêter et poursuivent leur route vers une destination inconnue. Comme pour montrer qu’il ne s’agit que d’un lieu de passage et non d’une destination à part entière. Estación catorce s’attache aussi à l’amour inconditionnel d’un petit garçon pour son père qui va se trouver confronté à ses failles. Avec à la clé une sorte de voyage initiatique dérisoire au cours duquel le gamin et l’adulte transportent un sofa, symbole dérisoire d’un confort ostentatoire qui tranche avec la splendeur des décors naturels qu’ils traversent et finira… au fond d’un poulailler. Avec à la clé un dénouement inattendu qui relativise à dessein tout ce qui l’a précédé et souligne que la vie finit toujours par reprendre ses droits, y compris dans les circonstances les plus tragiques. Ce film d’apprentissage délicat et sensible révèle en tout cas en Diana Cardozo une nouvelle réalisatrice dont c’est pourtant déjà le quatrième long métrage.
Jean-Philippe Guerand
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