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“Du crépitement sous les néons” de FGKO



Film français de FGKO (2022), avec Jérémie Laheurte, Tracy Gotoas, Bosh, Idir Azougli, Marlise Bete Ngadem, Abel Jafri, Nacho Fresneda, Jo Prestia, Chloe Mons, Meriem Serbah, Fulgence Mvemba, Akim Chir… 1h32. Sortie le 16 novembre 2022.



Jérémie Laheurte et Tracy Gotoas



Le polar a longtemps constitué le genre de prédilection des cinéastes débutants auxquels il offrait à la fois un cadre assez bien balisé et la possibilité de se distinguer, tout en limitant relativement les risques sur le plan commercial. La télévision se l’est aujourd’hui approprié au détriment du cinéma, à travers des unitaires et surtout des séries dont l’audience est de nature à rassurer les diffuseurs en mal d’imagination. Révélé par son premier long métrage, Voyoucratie (2018), le tandem FGKO (acronyme qui réunit les jeunes réalisateurs Fabrice Garçon et Kevin Ossona) renoue aujourd’hui avec cette tradition en s’inscrivant dans la France de 2022. La trame est élémentaire : un jeune banlieusard contraint d’acquitter la dette qu’il a contractée auprès d’une bande de truands accepte de véhiculer en Espagne une jeune femme nigériane promise à la prostitution, en appliquant le principe bien connu du Go Fast : rouler vite sans jamais s’arrêter. Avec à la clé de ce périple la soif de liberté de ce chauffeur sous contrôle judiciaire et les velléités d’évasion de cette passagère promise à l'enfer…  Ce scénario imaginé par Shérazade Khalladi avec la complicité des réalisateurs s’inscrit dans le contexte réaliste de la traite nigériane, mais revendique l’influence d’un cinéaste, le Nicolas Winding Ref de Drive, et d’un jeu vidéo, la franchise GTA. Avec en guise de fil rouge une partition musicale composée par Saycet et nourrie de la playlist qu’écoutaient les deux cinéastes pendant la préparation de leur film.



Bosh et Tracy Gotoas



Derrière son titre qui intrigue autant qu’il déconcerte, Du crépitement sous les néons recycle habilement les codes du Road Movie, en s’articulant autour d’une réflexion en profondeur sur la nouvelle traite des êtres humains qu’alimentent aujourd’hui les migrations africaines. Une trame solide qui s’avère bénéfique à ses deux interprètes principaux : Jérémie Laheurte, révélé par Abdellatif Kechiche dans La vie d’Adèle (2013) et consacré tête d’affiche avec la série “Paris 1900”, et Tracy Gotoas, vue récemment dans L’horizon d’Émilie Carpentier et la série “Braqueurs”. L’habileté de FGKO consiste à exploiter les contraintes inhérentes à son sujet et à transcender par la mise en scène les limites de son dispositif dramaturgique. L’efficacité de cette mécanique de précision est transcendée par un usage généreux de la caméra à l’épaule et la contribution déterminante du chef opérateur Fabio Caldironi que son expérience dans la pub a rompu à ce genre de défi technique. Il émane de cette course poursuite une fureur de vivre qui renouvelle un genre décidément toujours propice à jeter un regard pénétrant sur l’état de notre société, mais aussi une soif de liberté qu’est loin d’avoir aboli l’effacement des frontières intra-européennes. Avec en prime un retour en force du film de genre dans un cinéma français qui n’y a jamais tout à fait renoncé et perpétue là une très ancienne tradition en déclinant des thématiques éternelles à travers un langage qui interpelle notre époque.

Jean-Philippe Guerand







Jérémie Laheurte

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