Film américain de Ryan Coogler (2022), avec Divine Love Konatu-Sun, Letitia Wright, Lupita Nyong’o, Danai Gurira, Angela Bassett, Winston Duke, Martin Freeman, Tenoch Huerta, Dominique Thorne, Florence Kasumba, Michaela Coel, Michael B. Jordan, Kamaru Usman, Richard Schiff, Isaach de Bankolé… 2h47. Sortie le 9 novembre 2022.
Angela Bassett et Letitia Wright
Il y a des films qui forcent le respect en dépassant leur simple statut cinématographique. Black Panther avait marqué une date dans la saga Marvel en hissant au sommet du box-office américain un film de super-héros interprété exclusivement par des acteurs de couleur. Ses producteurs se trouvèrent ensuite bien dépourvus lorsque l’interprète charismatique révélé par le rôle-titre, Chadwick Boseman, est mort prématurément à seulement 43 ans le 28 août 2020, deux ans et demi tout juste après avoir été élevé au rang suprême de superstar internationale. L’antienne hollywoodienne selon laquelle tout succès du box-office implique une suite se réalise aujourd’hui avec Black Panther : Wakanda Forever, un projet qui a dû s’adapter aux circonstances, à la fois en intégrant la mort du roi T’Challa et la montée en puissance des femmes qui a considérablement bouleversé la donne entre-temps. Résultat : un film Marvel atypique qui porte le deuil de son personnage principal et confie le pouvoir à des amazones bien déterminées à bouter hors de leur royaume des assaillants venus du fond des mers. Ne serait-ce que pour cette capacité d’adaptation, ce film constitue d’ores et déjà un cas d’école qui promet de faire date. L’opus initial pointant aujourd’hui encore en sixième position du box-office américain de tous les temps.
Danai Gurira et Angela Bassett
Ce deuxième opus de la franchise Black Panther a la particularité pour le moins atypique de devoir assumer la disparition de son interprète charismatique. Dans un tel cas, il est d’usage à Hollywood de dénicher le remplaçant le plus vraisemblable. Là où d’autres se seraient contentés d’exploiter le filon sans scrupules, et alors même que le propre frère de Chadwick Boseman préconisait de lui trouver un successeur, la production a décidé d’assumer jusqu’au bout cette absence en transformant son héros charismatique en une sorte de guide spirituel post mortem. Un peu comme avaient choisi de le faire les producteurs de la saga Fast & Furious après la mort accidentelle de Paul Walker, en 2013. Quitte à baptiser aujourd’hui la franchise Black Panther du patronyme héroïque de ce roi T’Challa qui n'y est présent que par l’héritage qu’il a laissé et l’influence qu’il continue à exercer sur ses sujets, et même si son souvenir n’est évoqué à l’écran qu’à travers quelques images et auquel est bien évidemment dédié ce nouvel opus.
Signe des temps, c’est aux guerrières que revient le privilège d’assumer la succession du héros disparu, qui plus est de façon collective. Black Panther : Wakanda Forever devient du coup une étape significative dans l’histoire des super-héros hollywoodiens, en s’adaptant à notre époque et en misant tout sur l’accession au pouvoir des femmes de couleur. Miroir aveuglant de la montée en puissance de deux minorités trop longtemps invisibilisées qui doit sans doute autant au combat sans fin pour les droits civiques qu’à l’émergence récente du mouvement #MeToo. Sur le plan purement cinématographique, cette superproduction de 200 M$ associe à son caractère spectaculaire un soin minutieux apporté à ses différentes composantes artistiques, des décors et des costumes à la musique confiés respectivement à Ruth E. Carter, Hannah Beachler et au compositeur suédois Ludwig Göransson, déjà oscarisés pour l’opus initial en. 2019, à la photo signée par la prometteuse Autumn Durald Arkapaw. Avec en prime une chanson qui marque le grand retour de Rihanna. Ce plaisir simple y met les formes en nous assurant un grand spectacle populaire qui ne dédaigne jamais l’usage du second degré.
Jean-Philippe Guerand
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