Film américain de Christopher Münch (1991), avec David Angus, Ian Hart, Stephanie Pack, Robin McDonald, Sergio Moreno, Unity Grimwood… 58 mn. Sortie le 5 octobre 2022.
Ian Hart et David Angus
Voici un film qui cumule toutes les audaces et mérite d’être payé de retour comme il le mérite, même si c’est trente ans après sa réalisation. De son auteur, Christopher Münch, on sait juste qu’il n’a tourné qu’une demi-douzaine de longs métrages et se situe résolument en marge du cinéma américain le plus indépendant. Au point d’avoir présenté cinq de ses six œuvres au festival de Sundance : un signe qui ne trompe pas. The Hours and Times est né de sa fascination pour Brian Epstein, le manager mythique des Beatles mort à 32 ans en 1967, et d’une déclaration provocante de John Lennon au magazine “Playboy” dans laquelle il affirmait : « Les rumeurs circulaient selon lesquelles lui et moi entretenions une liaison amoureuse. À vrai dire, c’était presque une histoire d’amour, mais pas tout à fait. Elle n’a jamais été consommée, mais nous avons eu une relation intense et précieuse. » De ce point de départ ténu, Münch tire un film en noir et blanc de moins d’une heure produit dans des conditions spartiates, pour l’essentiel parmi les édifices barcelonais dus à l’architecte catalan Antoni Gaudi. De cette dystopie amoureuse, affleure une énergie étonnante qui doit beaucoup à la personnalité de ses deux interprètes principaux : Ian Hart, qui incarne un John Lennon si crédible qu’il l’interprètera à plusieurs autres reprises, notamment dans Backbeat : Cinq garçons dans le vent (1994) de Iain Softley, et David Angus, dont Brian Epstein est le seul rôle vraiment notable.
Ian Hart et David Angus
Couronné du prestigieux trophée Wolfgang Staudte au festival de Berlin en 1992, ainsi que de deux prix spéciaux du jury au festival de Sundance et aux Independent Spirit Awards, The Hours and Times se caractérise par un formidable bouillonnement d’énergie qui emporte tout sur son passage. C’est aussi la confrontation de deux personnages clés de la scène rock britannique qui décident en 1963 d’aller se reposer ensemble sous le soleil de l’Espagne franquiste en assumant le risque de se retrouver en délicatesse avec le puritanisme en usage dans cette dictature. Christopher Münch défend son propos à l’aide de deux partis pris esthétiques puissants : un usage rigoureux du noir et blanc (qu’il éclaire lui-même), que la superbe restauration 4K sublime, et une mise en scène épurée qui se concentre presque exclusivement sur ses deux protagonistes principaux et leur étrange complicité. Pour des raisons évidentes de droits, cette confrontation minimaliste doit en outre faire l’impasse sur la musique des Beatles au profit d’une bande originale composée par James Newton Howard et ponctuée de deux solos : l’un de guitare, l’autre de piano. Ce film intimiste tirée au cordeau méritait sa sortie en salles, même si elle est un peu tardive. Reste maintenant à découvrir l’œuvre ultérieure de Münch, un peu comme on prend un train en marche.
Jean-Philippe Guerand
Ian Hart et David Angus
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