Sidney Documentaire américain de Reginald Hudlin (2020), avec Sidney Poitier, Denzel Washington, Morgan Freeman, Robert Redford, Halle Berry, Quincy Jones, Lenny Kravitz, Spike Lee, Barbra Streisand, Louis Gossett Jr., Oprah Winfrey, Harry Belafonte, Joanna Shimkus… 1h46. Mise en ligne sur Apple TV+ le 23 septembre 2022.
Sidney Poitier
Il est des hommes qui rencontrent leur époque. La carrière de Sidney Poitier est ainsi indissociable du combat pour les droits civiques qui a atteint son paroxysme dans les années 60 et lui a valu de devenir le premier acteur de couleur à décrocher l’Oscar du meilleur premier rôle masculin en 1964 pour Le lys des champs de Ralph Nelson. Originaire des Bahamas, il débute à la scène avant de crever l’écran avec une série de films qu’on qualifiera d’“engagés”, parce qu’ils accompagnent un véritable changement des mentalités au sein d’une société marquée jusqu’alors par un apartheid qui préférait l’appellation contrôlée de ségrégation raciale. Comme le souligne le remarquable documentaire que lui a consacré Reginald Hudlin, c’est en séduisant le public blanc que Sidney Poitier, mort en janvier dernier à l’âge de 94 ans, a conquis Hollywood. Avant lui, et à l’exception notable de son collègue et ami Harry Belafonte, venu pour sa part de la musique, les comédiens noirs restaient prisonniers d’une sorte de cellule de verre invisible, en marge de la production “mainstream” des grands studios ou à diverses variations qui surfaient sur l’engouement suscité par le jazz. À lui seul, Sidney Poitier a réussi à faire bouger les lignes et évoluer les mentalités. Non sans moult conflits, crispations et autres manifestations de racisme ordinaire. Sa beauté et son élégance rassurante lui ont permis de remporter la plus belle des victoires et de devenir l’heureux père de six filles.
Sidney Poitier et Rod Steiger
(Dans la chaleur de la nuit de Norman Jewison)
Révélé en tant que réalisateur par House Party (1990) et célèbre comme producteur pour Django Unchained (2012) de Quentin Tarantino, Reginald Hudlin a bien fait les choses en convoquant à la barre des témoins aussi prestigieux qu’incontestables dont la très rare Barbra Streisand avec qui et Paul Newman il a dirigé la société First Artists entre 1969 et 1980 et sous l’égide de laquelle il est passé à la réalisation. Dès sa première apparition à l’écran, dans La porte s’ouvre (1950) de Joseph L. Mankiewicz, Sidney Poitier assigne à son métier d’acteur un double rôle social et civique qui ne fera que croître et se diversifier dans les circonstances les plus extrêmes. C’est sans doute le producteur-réalisateur Stanley Kramer qui y a contribué avec le plus d’éclat dans des films à thèse aussi puissants que La chaîne (1958) et Devine qui vient dîner… (1967). L’acteur devient ainsi une sorte de baromètre humain des relations interraciales dans un cinéma hollywoodien d’une blancheur aveuglante. Il obtient deux Ours d’argent à Berlin, deux Golden Globes, un Bafta et un Oscar d’honneur, tout en subissant le racisme épidermique du flic de Dans la chaleur de la nuit (1967) campé par Rod Steiger qui lui vaut l’un de ses plus beaux succès personnels. Jusqu’à L’homme perdu (1967) de Robert Alan Aurthur, remake anodin du célèbre Huit heures de sursis (1947) qui lui donnera l’occasion de rencontrer la dernière femme de sa vie, l’actrice sud-africaine Joanna Shimkus. Sidney : son héritage est une célébration à la mesure de son. héros modèle. Le reflet d’une époque en fusion.
Jean-Philippe Guerand
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