Film français de Gilles Perret (2022), avec Pierre Deladonchamps, Laetitia Dosch, Grégory Montel, Vincent Deniard, Finnegan Oldfield, Samuel Churin, Marie Denarnaud, Léo Grêlé… 1h47. Sortie le 19 octobre 2022.
Pierre Deladonchamps et Laetitia Dosch
Après huit documentaires dont deux films coréalisés avec François Ruffin, J’veux du soleil (2019) et Debout les femmes ! (2021), Gilles Perret a décidé d’accomplir le grand saut vers la fiction. Et comme on ne se refait pas, il poursuit son exploration du monde impitoyable du travail en s’attachant au destin d’une usine bradée par le fonds d’investissement qui l’a menée à sa perte. Une pratique devenue routinière dont semblent s’être désintéressés les pouvoirs publics submergés par la mondialisation dont ils paient pourtant les pots cassés depuis des lustres et ont ainsi laissé filer une bonne partie de notre tissu industriel et des forces vives qui l’ont entretenu. Reprise en main part d’un postulat devenu malheureusement banal : une entreprise savoyarde de mécanique de précision sur le point d’être bradée à un repreneur rapace incite plusieurs de ses salariés à tenter un ultime baroud d’honneur en se faisant passer pour de mystérieux financiers. Dès lors, la lutte du pot de terre contre le pot de fer va s’avérer d’autant plus impitoyable que tous les coups semblent permis.
Grégory Montel, Pierre Deladonchamps et Vincent Deniard
Reprise en main aborde le monde du travail sur un ton délibérément différent des premiers films de Laurent Cantet, Ressources humaines (1999) et L’emploi du temps (2001), et de la trilogie consacrée récemment par le tandem Stéphane Brizé-Vincent Lindon aux dommages collatéraux perpétrés par l’horreur économique : La loi du marché (2015), En guerre (2018) et Un autre monde (2021). Gilles Perret renoue là avec une grande tradition idéaliste qui orchestre l’opposition d’un système destiné à broyer l’individu, avec comme parade les ressources les plus inattendues du système D. Ses protagonistes sont décrits comme des Pieds Nickelés idéalistes qui se prennent au jeu de cette économie libérale où l’individu en est arrivé à faire figure de portion congrue aux yeux des puissances occultes qui les exploitent autant qu’elles les écrasent. En investissant bille en tête le pré carré de la comédie sociale, Perret choisit le parti d’en sourire sinon d’en rire et s’inscrit dans la lignée de ces classiques du genre que sont La crise (1992) de Coline Serreau et Ma petite entreprise (1999) de Pierre Jolivet, sans toutefois en atteindre la virtuosité. Des œuvres engagées qui exploitent le caractère ludique du cinéma pour véhiculer des idées sérieuses et s’adresser ainsi au plus grand nombre sans didactisme. Avec ici une certaine fantaisie que personnifient Pierre Deladonchamps, Laetitia Dosch et Grégory Montel.
Jean-Philippe Guerand
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