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“L’école est à nous” d’Alexandre Castagnetti



Film français d’Alexandre Castagnetti (2022), avec Sarah Suco, Jean-Pierre Darroussin, Oussama Kheddam, Lili Aupetit, Sofia Bendra, Nah Bilé, Jérémie Gavrilovic, Gabin Jouillerot, Ryan Khelif, Estelle Luo… 1h48. Sortie le 26 octobre 2022.



Oussama Kheddam



Signe des temps qui ne trompe pas : devenue un genre cinématographique en soi au sein du cinéma français, l’éducation est un enjeu majeur de notre époque dont la crise de la Covid-19 a contribué à mesurer la profondeur et l’intensité, sur fond de crise des vocations. Une tradition par ailleurs de longue date qui va de Zéro de conduite (1933) de Jean Vigo à La cour des miracles de Carine May et Hakim Zouhani, sorti il y a tout juste un mois, en brassant tous les aspects de cette problématique, des Disparus de Saint-Agil (1938) de Christian-Jaque à L’école buissonnière (1949) de Jean-Paul Le Chanois et aux Sous-doués (1980) de Claude Zidi. Cette thématique consensuelle inspire des œuvres de pure distraction comme des réflexions plus profondes. L’école est à nous joue simultanément sur ces deux registres, en s’appuyant sur un postulat au fond assez élémentaire : à l’occasion d’une grève, une enseignante bercée d’idéalisme décide de tenter une expérience pédagogique dans son collège avec la complicité des élèves qui ont répondu à l’appel. Elle leur accorde une liberté totale sans toujours mesurer les conséquences de cette doctrine a priori contraire à toutes les théories éducatives. Malgré l’ivresse de cette liberté qui réveille en contrepartie les plus bas instincts de certains fauteurs de troubles toujours prompts à profiter des situations de crise, le résultat va dépasser ses plus folles espérances, en lui rendant confiance en ce métier dont on entend dire parfois que c’est le plus beau du monde…



Gérald Laroche, Sarah Suco, Jean-Pierre Darroussin



Comme son titre l’indique assez clairement, L’école est à nous prend le contre-pied radical de l’un des principes fondateurs de notre système éducatif : la discipline. Lui-même fils d’enseignante, le réalisateur Alexandre Castagnetti observe le comportement d’un microcosme privé de ses repères traditionnels, véritable laboratoire confronté au poids écrasant de ses codes de conduite. Il revendique l’influence des écrits de Daniel Pennac et adopte le parti d’en sourire sinon parfois d’en rire, mais n’évite aucun des aspects de cette problématique qui pourraient fâcher. Son collège devient une sorte de laboratoire éducatif grandeur nature qui éprouve autant de difficulté à s’affranchir de ses contraintes pédagogiques qu’à s’accommoder d’une liberté parfois perçue comme déconcertante. Le film confronte une utopie séduisante à la réalité du terrain, en l’occurrence ces rapports de force dont la cour de récréation constitue l’un des terrains de prédilection, comme l’a prouvé récemment la cinéaste belge Laura Wandel dans son premier film magistral, Un monde. En filigrane, à travers le personnage d’enseignante en crise campé par Sarah Suco, il confronte aussi la grandeur et la décadence de la vocation du pédagogue au fossé qui s’est creusé entre l’idéalisme des détenteurs du savoir et la faune interlope que constituent leurs élèves contraints et forcés. Au-delà de l’utopie qui l’habite, cette comédie distille quelques précieuses vérités toujours bonnes à entendre dans une société trop souvent coupée des réalités. Avec en bandoulière un optimisme qui fait chaud au cœur.

Jean-Philippe Guerand







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