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“Le petit Nicolas - Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ?” d’Amandine Fredon et Benjamin Massoubre



Film d'animation franco-luxembourgeois d’Amandine Fredon et Benjamin Massoubre, avec les voix de Laurent Lafitte, Alain Chabat, Simon Fallu… 1h22. Sortie le 12 octobre 2022.





Après avoir été le héros du sketch La photo de classe réalisé par André Michel dans le cadre du film Tous les enfants du monde (1964), puis des longs métrages de fiction Le petit Nicolas (2009) et Les vacances du petit Nicolas (2014) de Laurent Tirard et Le trésor du petit Nicolas (2021) de Julien Rappeneau, le jeune héros popularisé par Jean-Jacques Sempé et René Goscinny entre 1956 et 1965 est décliné cette fois dans une production d’animation qui fait suite à la centaine d’épisodes de la série télévisée en 3D diffusée sur M6 depuis 2009. Cette nouvelle déclinaison de la franchise, qui a obtenu le Grand Prix du dernier festival d’Annecy, bénéficie de l’association d’Amandine Fredon, coréalisatrice en 2013 de C’est bon avec Serge Elissalde et Jacques-Rémy Girerd, et de Benjamin Massoubre, qui a été monteur sur des films tels que J’ai perdu mon corps (2019) de Jérémy Clapin, Petit vampire (2020) de Joann Sfar et Le sommet des dieux (2021) de Patrick Imbert. Leur union fait la force d’un film qui prend la liberté de mettre en parallèle des frasques du gamin le vécu parfois douloureux de ses deux papas qui n’a pourtant jamais ouvertement débordé sur leurs œuvres communes ni individuelles.





Sous couvert de célébrer les valeurs disparues d’une époque idyllique où les écoliers vivaient au paradis de Jules Ferry et jouaient aux billes dans la cour de récréation, ce film d’animation repose sur une valeur ajoutée. Aux aventures des écoliers, il associe étroitement la personnalité de leurs créateurs : le scénariste René Goscinny, mort en 1977, et le dessinateur Jean-Jacques Sempé, tout récemment disparu, pour qui ce beau film prend une indéniable valeur testamentaire. Deux chantres du bonheur qui ont répondu par l’universalité de leur œuvre aux douleurs de l’enfance : le premier a perdu une partie de sa famille en déportation, là où le second a été un enfant battu mais jamais revanchard. En associant ainsi les artistes à leur création à travers une esthétique qui colle au plus près aux traits des albums, les enchanteurs Amandine Fredon et Benjamin Massoubre restituent à merveille la magie des origines, en rendant le plus vibrant des hommages à ses créateurs. Non seulement ils restituent avec élégance et délicatesse une sorte d’école laïque et obligatoire idyllique, encore sous l’influence de Jules Ferry et des fameux hussards de la République, mais ils confèrent une profondeur accrue à leur propos, en érigeant deux créateurs de génie au rang de héros à part entière. Le petit Nicolas - Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? est une œuvre universelle sur le pouvoir magique de la résilience qui a incité deux éclopés de l’enfance à consacrer leur vie à dispenser de la beauté, de l’humour et du bonheur. Nous en bénéficions une fois de plus à travers ce film magnifique de délicatesse.

Jean-Philippe Guerand







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