Film français de James Huth (2022), avec Jamel Debbouze, Daniel Auteuil, Simon Fallu, Alice Belaïdi, Anna Cervinka, Salim Kissari, Lucie Fabry… 1h52. Sortie le 19 octobre 2022.
Simon Fallu
La mécanique, on la connaît : c’est celle huilée par Francis Veber à l’attention de Pierre Richard dans le premier de ses douze films en tant que réalisateur, Le jouet (1976). L’histoire d’un sale gosse de riche pourri gâté qui demande à son père de lui offrir un homme corvéable à merci afin de lui servir de souffre-douleur et exécuter ses moindres volontés. À cette nuance près que le gamin souffre de l’absence de sa mère et de l’indifférence de son père qu’il va trouver à combler au contact de ce compagnon de jeu compatissant. Près d’un demi-siècle plus tard, le même postulat de départ donne lieu à un traitement ancré dans une société où tout a changé, sinon la fracture sociale devenue un véritable abîme. Et si le point de départ est identique, la personnalité de l’interprète du rôle-titre imprime sa marque personnelle. Là où Pierre Richard jouait sur le registre lunaire qui l’a rendu célèbre, Jamel incarne un petit malin des cités que sa prochaine paternité contraint à faire face à ses responsabilités et à devenir adulte, en la personne de sa compagne enceinte, la toujours délicieuse Alice Belaïdi. Une situation d’autant plus cornélienne qu’il devient malgré lui le souffre-douleur d’un gamin (Simon Fallu) au contact duquel il n’aura d’autre choix que de mûrir, en passant du stade de partenaire de jeu à celui de père à part entière.
Jamel Debbouze
Habitué à réaliser des œuvres de commande et à faire briller des acteurs célèbres, James Huth s’est illustré dans ce registre avec des fortunes diverses, qu’il s’agisse de Jean Dujardin dans Brice de Nice (2005) et Lucky Luke (2009), Gad Elmaleh dans Un bonheur n’arrive jamais seul (2012), Christian Clavier, Michaël Youn et Ramzy Bedia dans Rendez-vous chez les Malawas (2019). C’est toutefois la première fois qu’il se frotte à un classique dont la nécessité de réaliser un remake ne s’imposait pas nécessairement. Reste que si les temps ont bien changé depuis près d’un demi-siècle, la satire sociale imaginée par Francis Veber demeure plus actuelle que jamais. James Huth creuse la personnalité de ses protagonistes : face à Jamel qui est de toute évidence un peu âgé pour ce rôle de futur père au comportement immature, mais excelle sur ce registre devenu chez lui comme une seconde nature, l’enfant dont il a la charge a mûri sous l’effet de la perte de sa mère. Quant à son magnat de père, reclus dans son chagrin et son rôle social, il se révèle incapable d’assumer ses responsabilités, sans manifester pour autant le cynisme glacial qui caractérisait le personnage campé par Michel Bouquet chez Francis Veber. Huth trouve en outre quelques jolies idées de mise en scène, notamment lorsqu’il filme la cité comme un décor des Mille et une nuits. Le nouveau jouet s’impose comme la relecture au goût du jour d’un classique qui confirme sa puissance universelle dans un contexte pourtant très différent.
Jean-Philippe Guerand
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